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ACTE IV, SCKXE V. 307

devrait parler à sa sœur que pour la consoler, ou plutùl il n'a rien du tout à dire. Qui Tamène auprès d'elle? Est-ce à elle qu'il doit présenter les armes de ses beaux-frères? C'est au roi, c'est au sénat assemblé qu'il devait montrer ces trophées. Les femmes ne se mêlaient de rien chez les premiers llomains, Ni la bien- séance, ni l'humanité, ni son devoir, ne lui permettaient de venir faire à sa sœur une telle insulte. Il paraît qu'Horace pouvait dé- poser au moins ces dépouilles dans la maison paternelle, en attendant que le roi vînt; que sa sœur, à cet aspect, pouvait s'abandonner à sa douleur, sans qu'Horace lui dît voici ce bras, et sans qu'il lui ordonnât de ne s'entretenir jamais que de sa victoire; il semble qu'alors Camille aurait paru un peu plus cou- pable, et que l'emportement d'Horace aurait eu quelque excuse.

Vers 18. d'une indigne sœur insupportalole audace!

Observez que la colère du vieil Horace contre son fils était très-intéressante, et que celle de son fils contre sa sœur est révol- tante et sans aucun intérêt. C'est que la colère du vieil Horace supposait le malheur de Rome ; au lieu que le jeune Horace ne se mot en colère que contre une femme qui pleure et qui crie, et qu'il faut laisser crier et pleurer. Cela est historique, oui ; mais cela n'est nullement tragique, nullement théâtral.

Vers 19. D'un ennemi public dont je reviens vainqueur,

Le nom est dans ta loouclie, et l'amour dans ton cœur.

Le reproche est évidemment injuste. Horace lui-même devait plaindre Curiace, c'est son beau-frère, il n'y a plus d'ennemis, les deux peuples n'en font plus qu'un. H a dit lui-même, au second acte, qiVil aurait voulu racheter de sa vie le sang de Curiace.

Versas. Donne-moi donc, ])arljare, un cœur comme le tien!

Ces plaintes seraient plus touchantes si l'amour de Camille avait été le sujet de la pièce ; mais il n'en a été que l'épisode : on y a songé à peine ; on n'a été occupé que de Rome. Un petit in- térêt d'amour interrompu ne peut plus reprendre une vraie force. Le cœur doit saigner par degrés dans la tragédie, et toujours des mêmes coups redoublés, et surtout variés.

Vers al. Rome, l'unique objet de mon ressentiment! etc.

Ces imprécations de Camille ont toujours été un beau mor- ceau de déclamation, et ont fait valoir toutes les actrices qui ont joué ce rôle. Plusieurs juges sévères n'ont pas aimé le mourir de

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