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278 REMARQUES SUR LES IIORACES.

Ce mot do maligne joie est bien plus à sa place dans ces deux admirables vers de la Mort de Pompée * ;

Quelque maligne joie on son cœur s'élevoit, Dont sa gloire indignée à peine le sauvoil.

Il faut toujours avoir devant les yeux ce passage de Boileau- :

D'un mol mis à sa place enseigna le pouvoir.

C'est ce mot propre qui distingue les orateurs et les poètes de ceux qui ne sont que diserts et versificateurs.

Vers 83. J'aurois pour mon pays une cruelle haine, Si je pouvois encore ôlrc toute Romaine, Et si je demandois votre triomphe aux dieux, Au prix de tant de sang qui m'est si précieux.

Ce n'est pas ce tant qui est précieux, c'est le sang : c'est au prix d'un sang qui m'est si précieux. Le tant est inutile, et corrompt un peu la pureté de la phrase et la beauté du vers : c'est une très- petite faute.

Vers 91 . Égale à tous les deux jusqnes à la victoire,

Je prendrai part aux maux sans en prendre à la gloire.

Égale li n'est pas français en ce sens. L'auteur veut dire juste envers tous les deux, car Sabine doit être juste, et non pas indiffé- rente.

Vers 93. Et je garde, au milieu de tant d'âpres rigueurs,

3Ies larmes aux vaincus et ma haine aux vain(iueurs.

Elle ne doit pas haïr son mari, ses enfants, s'ils sont victo- rieux : ce sentiment n'est pas permis; elle devrait plutôt dire sans haïr les vainqueurs.

Vers 9o. Qu'on voit naître souvent de pareilles traverses^ En des esprits divers, des passions diverses!

Le lecteur se sent arrêté à ces deux vers : ces de des embarras- sent l'esprit. Traverses n'est point le mot propre : les passions ici ne sont point diverses. Sabine et Camille se trouvent dans une situation à peu près semblable. Le sens de l'auteur est probable-

��1. Acte m, scène i""".

2 Art poéti2ue, chant l"""", vers 133.

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