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268 KXCUSr: A ARISTE.

11 ne se leurre point d'animer de beaux chants,

Et veut pour se produire avoir la clef des champs.

C'est lors (|u'il court d'halcino, et iju'en pleine carrière,

Quittant souvent la terre en (juittant la barrière,

Puis d'un vol élevé se cachant dans les cieux,

11 rit du désespoir de tous ses envieux.

Ce trait est un peu vain, Ariste, je l'avoue;

Mais faut-il s'étonner d'un poëte qui se loue ^?

Le Parnasse, autrefois dans la France adoré,

Faisoit pour ses mignons un autre àgo doré :

Notre fortune enfloit du prix de nos caprices,

Et c'étoit une banque- à de bons bénéfices;

Mais elle est épuisée, et les vers à présent

Aux meilleurs du métier n'apportent que du vent^;

Chacun s'en donne à l'aise, et souvent se dispense

A prendre par ses mains toute sa récompense.

Nous nous aimons un peu: c'est notre foible à tous;

Le prix que nous valons, qui le sait mieux que nous?

Et puis la mode en est, et la cour l'autorise.

Nous parlons de nous-même avec toute franchise ;

La fausse humilité ne met plus en crédit.

Je sais ce que je vaux, et crois ce qu'on m'en dit.

Pour me faire admirer je ne fais point de ligue :

J'ai peu de voix pour moi, mais je les ai sans brigue ;

Et mon ambition, pour faire plus de bruit,

Ne les va point quêter de réduit en réduit ^;

Mon travail sans appui monte sur le tliéàtre;

Chacun en liberté l'y blâme ou l'idolâtre.

Là, sans que mes amis prêchent leurs sentiments.

J'arrache quelquefois leurs applaudissements "' ;

1. Mais faut-il s'fitonner d'un poëte qui se loue ?

Les mots poëte, ouate, étaient alors de deux syllabes en vers. Boileaii, qui a

beaucoup servi à fixer la langue, a mis trois syllabes à tous les mots de celte

espèce :

Si son astre en naissant no l'a formé poûto.

(Ali pocli'jue, I, 4.)

Où sur l'ouata molle éclate le tabis.

{Lutrin, IV, 44.)

{Note de Voltaire.)

2. Édit. orirj. : une blanque.

3. Edit. orig, : n'apportant que du vent.

4. Ne les va point quêter do réduit en réduit.

Ce vers désigne tous ses rivaux, qui cherchaient à se faire des protecteurs et des partisans; et cet endroit les souleva tous. [Note de Voltaire.)

5. Ëdit. orig. : trop d'applaudissements.

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