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208 REMARQUES

et la Place aux veaux'. L'iuiineur vile (\v ccl auliMir, et la bassesse de son âme, etc.

On voit, par cet échantillon de plus de cent brochures faites contre Corneille, qu'il y avait, comme aujourd'hui, un certain nombre d'hommes que le mérite d'aulrui rend si furieux qu'ils ne connaissent [)lus ni raison ni bienséance. C'est une espèce de rage qui attaque les petits auteurs, et surtout ceux qui n'ont point eu d'éducation. Dans une pièce de vers contre lui, on fit parler ainsi Cuillem de Castro :

IJonc, fier do mon plumage, en corneille d'Horace,

ÎS'e prétends plus voler plus haut que le Parnasse.

Ingrat, rends-moi mon Cid jusques au diM-iiier mot;

Après tu connaîtras, corneille déplumée,

Que l'esprit le plus vain est souvent le plus sol, '

Et ciu'cnfin tu me dois toute ta renommée.

Mairet, l'auteur de la Suphonishe, qui avait au moins la gloire d'avoir fait la première i)ièce régulière que nous eussions en France, sembla perdre cette gloire en écrivant contre Corneille des personnalités odieuses. Il faut avouer que Corneille répondit très-aigrement à tous ses ennemis. La querelle même alla si loin entre lui et Mairet que le cardinal de Richelieu interposa entre eux son autorité. Voici ce qu'il fit écrire à Mairet par l'abljé de Boisrobert :

A Charonne, 5 octobre iG'M.

Vous lirez le reste de ma lettre comme un ordre que je vous envoie par le commandement de Son Éminence. Je ne vous cèlerai pas qu'elle s'est fait lire, avec un plaisir extrême, tout ce qui s'est fait sur le sujet du Cic/, et particulièrement une lettre qu'elles, a vue de vous lui a plu jusqu'à tel point qu'elle lui a fait naître l'envie de voir tout le reste. Tant qu'elle n'a connu dans les écrits des uns et des autres que des contestations d'esprit agréables et des railleries innocentes, je vous avoue qu'elle a pris boime part au divertissement; mais quand elle a reconnu que dans ces contestations naissaient enfin des injures, des outrages, et des menaces, elle a pris aussitôt la résolution d'en arrèt(u- le cours. Pour cet effet, quoiqu'elle n'ait point vu le libelle que vous attril)uez à 'M. Corneille, présupposant, par votre réponse, que je lui lus hier au soir, (|u'il devait être l'agresseur, elle m'a commandé de lui remontrer le tort qu'il se faisait, et de lui défendre de sa part de ne

1. Il est vrai que ces comédies de Corneille sont Irès-niaiivaises; mais il n'est pas moins vrai qu'elles valaient mieux que toutes celles qu'on avait faites jus- qu'alors en France. (Note de Voltaire.)

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