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ACTE II, SCÈNE II.


donne moi, dis-je, et c’est assez. Tout ce qui explique un grand sentiment l’énerve. On demande si le Medea superest est sublime? Je répondrai à cette question que ce serait en effet un sentiment sublime si ce moi exprimait de la grandeur de courage. Par exemple si, lorsque Horatius Coclès défendit seul un pont contre une armée, on lui eût demandé : Que vous reste-t-il? et qu’il eût répondu : Moi, c’eût été du véritable sublime ; mais ici il ne signifie que le pouvoir de la magie, et, puisque Médée dispose des éléments, il n’est pas étonnant qu’elle puisse seule et sans autre secours se venger de tous ses ennemis.


ACTE DEUXIÈME.


Scène II.


Vers 12. Ah! l’innocence même, et la même candeur! etc.

C’est dans la scène de Sénèque qui a servi de modèle à celle-ci qu’on trouve ce beau vers[1]:

Si judicas, cognosce; si regnas, jube.
N’es-tu que roi ? commande. Es-tu juge? examine.

C’est dommage que Corneille n’ait pas traduit ce vers : il l’aurait bien mieux rendu.

« Ah! l’innocence même, et la même candeur! »

Quæ causa pellat innocens mulier rogat.

Cette ironie est, comme on voit, de Sénèque[2]. La figure de l’ironie tient presque toujours du comique, car l’ironie n’est autre chose qu’une raillerie. L’éloquence souffre cette figure en prose. Démosthène et Cicéron l’emploient quelquefois. Homère et Virgile n’ont pas dédaigné même de s’en servir dans l’épopée ; mais dans la tragédie il faut l’employer sobrement : il faut qu’elle soit nécessaire ; il faut que le personnage se trouve dans des circonstances où il ne puisse s’expliquer autrement, où il soit obligé de cacher sa douleur, et de feindre d’applaudir à ce qu’il déteste.

  1. Acte II, vers 194.
  2. Acte II, vers 193.