Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aqueuses, terrestres, métalliques, végétales, qui couvrent le globe jour et nuit, à la hauteur de quelques milles, et qui forment les vents, les pluies, les neiges, les tempêtes, les éclairs, les tonnerres, ou les beaux jours, selon que ces exhalaisons se trouvent disposées, selon que leur électricité, leur attraction, leur élasticité, ont plus ou moins de force.

C’est à travers ce voile continuel, tantôt plus épais, tantôt plus délié, qu’un océan de lumières est dardé à chaque instant de notre soleil. Le rapport constant de nos yeux avec la lumière est tel que nous voyons toujours notre amas de vapeurs sur nos têtes en voûte surbaissée ; que chaque animal est toujours au milieu de son horizon ; que, dans un temps serein, nous distinguons pendant la nuit une partie des étoiles, et que nous croyons toujours être au centre de cette voûte surbaissée, et occuper le milieu de la nature. C’est par cette mécanique de nos yeux et de l’atmosphère que nous voyons le soleil et les astres à l’endroit où ils ne sont pas ; et qu’en regardant un arc-en-ciel nous sommes toujours au centre de ce demi-cercle, en quelque endroit que nous nous placions.

C’est en conséquence des erreurs perpétuelles et nécessaires du sens de la vue que, dans de belles nuits, les étoiles, éloignées l’une de l’autre de tant de millions de degrés, nous paraissent des points d’or attachés sur un fond bleu, à quelques pieds de distance entre eux ; et ces étoiles, placées dans les profondeurs d’un espace immense, et les planètes, et les comètes, et le vide prodigieux dans lequel elles tournent, et notre petite atmosphère qui nous entoure comme le duvet arrondi d’une herbe qu’on nomme dent-de-lion, nous appelons tout cela le ciel ; et nous avons dit : Cette épouvantable fabrique s’est faite uniquement pour nous, et nous sommes faits pour elle.

L’antiquité a cru que tous les globes dansaient en rond autour du nôtre pour nous faire plaisir ; que le soleil se levait le matin comme un géant pour courir dans sa voie, et qu’il venait le soir se coucher dans la mer. On n’a pas manqué de placer un dieu dans ce soleil, dans chaque planète qui semble courir autour de la nôtre ; et on a empoisonné juridiquement Socrate, accusé d’avoir douté que ces planètes fussent des dieux.

Tous les philosophes ont passé leur vie à contempler cette voûte bleue, ces points d’or, ces planètes, ces comètes, ces soleils, ces étoiles innombrables ; et tous ont demandé : À quoi bon tout cela ? Ce grand édifice est-il éternel ? S’est-il construit de lui-même ? Est-ce un architecte qui l’a bâti ? Quel est cet architecte ? À quel