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Il ne faut pas forcer le peuple ; c’est une rivière qui creuse elle-même son lit on ne peut faire changer son cours.

Il n’y a point d’avare qui ne compte faire un jour une belle dépense : la mort vient et fait exécuter ses desseins par un héritier. C’est l’histoire de plus d’un roi de ma connaissance.

Πολιτικός signifiait citoyen : il signifie aujourd’hui ennemi des citoyens.

Pourquoi la liberté est-elle si rare ? Parce qu’elle est le premier des biens. Pourquoi est-elle le premier des biens ? Parce qu’elle n’est pas de ce monde.

Il en est des différents ouvrages comme de la vie civile. Les affaires demandent du sérieux, et le repas de la gaieté. Mais aujourd’hui on veut tout mêler : c’est mettre un habit de bal dans un conseil d’État. Il faut qu’il y ait des moments tranquilles dans les grands ouvrages, comme dans la vie après les instants de passion.

L’auteur le plus sublime doit demander conseil. Moïse, malgré sa nuée et sa colonne de feu, demandait le chemin de Jethro.

Ô grandeur des gens de lettres ! Qu’un premier commis fasse un mauvais livre, il est excellent ; que leur confrère en fasse un bon, il est honni.

Prière des pèlerins de la Mecque : « Mon Dieu, délivre-nous des visages tristes ! » Ces pèlerins-là avaient été à Pompignan.

La plus grande dignité pour un homme de lettres est sa réputation.

Le père Tournon a fait six volumes de l’Histoire des dominicains. — et je n’en ai fait que deux de celle de Louis XIV ! Et j’en ai fait un de trop.

Le Welche me dit qu’on gâte son esprit en voulant l’orner ; mais puisque l’esprit est une fête qu’on donne à la pensée, pourquoi ne pas y mettre des fleurs ?

La cause de la décadence des lettres, c’est qu’on a atteint le but ; ceux qui viennent après veulent le passer.

Tout est devenu bien commun. Tout est trouvé ; il ne s’agit que d’enchâsser.

Le premier qui a dit que les roses ne sont point sans épines, que la beauté ne plait point sans les grâces, que le cœur trompe l’esprit, a étonné. Le second est un sot.

FIN DES PENSÉES, REMARQUES ET OBSERVATIONS.