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renaître encore. On ne peut la prévenir qu’en adorant Dieu sans superstition, et en tolérant son prochain.

C’est une chose bien déplorable et bien avilissante pour la nature humaine qu’une science digne de Punch[1] ait été plus destructive que les inondations des Huns, des Goths et des Vandales, et que dans toute notre Europe il y ait eu un corps d’énergumènes destiné à séduire, à piller, et à faire égorger le reste des hommes. Cet enfer sur la terre a duré quinze siècles entiers. Il n’y a eu enfin d’autre remède que le mépris et l’indifférence des honnêtes gens détrompés.

C’est ce mépris des honnêtes gens, c’est cette voix de la raison entendue d’un bout de l’Europe à l’autre, qui triomphe aujourd’hui du fanatisme sans autre effort que la force de la vérité. Les sages éclairés ont persuadé les ignorants qui n’étaient pas sages. Peu à peu les nations ont été étonnées d’avoir cru si longtemps des absurdités horribles qui devaient épouvanter le bon sens et la nature.

Le colosse élevé sur nos têtes pendant tant de siècles subsiste encore, et comme il fut forgé avec l’or des peuples, il n’est pas possible que la raison seule le détruise mais ce n’est plus qu’un fantôme semblable a celui des augures chez les Romains. Un de ces augures, dit Cicéron, ne pouvait aborder un de ses confrères sans rire ; et parmi nous un abbé de moines, riche de cent mille écus de rente, ne peut dîner avec un de ses confrères sans rire des idiots qui se sont dépouillés du nécessaire pour enrichir la fainéantise. On ne croit plus en eux, mais ils jouissent. Le temps viendra où ils ne jouiront plus. Il se trouvera des occasions favorables, on en profitera. Bénissons Dieu, nous autres qui depuis deux cent cinquante ans avons brisé un joug aussi pesant qu’infâme, et qui avons restitué à la nation et au roi les richesses envahies par des imposteurs qui étaient la honte et le fardeau de la terre.

Il y a eu de grands hommes, et surtout des hommes charitables, dans toutes les communions ; mais ils auraient été bien plus véritablement grands et bons si la peste de l’esprit de parti n’avait pas corrompu leur vertu.

Je conjure tout prêtre qui aura lu attentivement toutes les vérités évidentes qui sont dans ce petit ouvrage, de se dire à lui-même : Je ne suis riche que par les fondations de mes compatriotes, qui eurent autrefois la faiblesse de dépouiller leurs fa-

  1. Punch est le polichinelle de Londres. (Note de Voltaire.)