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Silvestre, évêque de Rome, ses enfants, chrétiens comme lui, souillèrent comme lui sa famille de sang et de carnage. Constantin II, Constant et Constantius, commencèrent par faire massacrer sept neveux de leur père et deux de leurs oncles après quoi l’empereur Constant, bon catholique, fit égorger l’empereur Constantin II, bon catholique aussi. Il ne resta bientôt que l’empereur Constantius l’arien. On croit lire l’histoire des sultans turcs quand on lit celle du grand Constantin et de ses fils. Il est très vrai que les crimes qui rendirent cette cour si affreuse, et les turpitudes de la mollesse qui la fit si méprisable, ne cessèrent que quand Julien vint à l’empire.

Julien était le petit-fils d’un frère de Constance Chlore ou le Pâle, et par conséquent petit-neveu du premier Constantin. Il avait deux frères : l’aîné fut tué avec son père dans le massacre de la famille ; restaient Gallus et Julien. Gallus, l’aîné, était âgé de vingt-huit ans quand il causa quelque ombrage à l’empereur Constantius. Ce digne fils du grand Constantin fit saisir ses deux cousins, Gallus et Julien. Le premier fut assassiné par son ordre en Dalmatie, à quelques lieues de l’endroit où l’on a élevé depuis le prodige de la ville de Venise ; Julien, traîné pendant sept mois de prison en prison, fut réservé à la même mort ; il n’avait pas alors vingt-trois ans accomplis. On allait le faire périr dans Milan, lorsqu’Eusébie, femme de l’empereur, touchée des grâces et de l’esprit supérieur de ce prince infortuné, lui sauva la vie par ses prières et par ses larmes.

Constantius n’avait point d’enfants, et était même, dit-on, incapable d’en avoir, soit vice de la nature, soit suite de ses débauches. Il fut forcé, comme les Ottomans l’ont été depuis, de ne pas répandre tout le sang de la famille impériale, et de déclarer enfin césar ce même Julien, qu’il avait voulu joindre aux princes massacrés.

On sait assez combien la présence d’un successeur est odieuse, et à quel point la puissance suprême est jalouse. Constantius exila honorablement Julien dans les Gaules, après lui avoir donné sa sœur Hélène en mariage. Telle était la cour de Constantinople ; telles on en a vu d’autres. On assassine ses parents ; on ne sait si on égorgera celui qui reste, ou si on le mariera. Quand on l’a marié, on l’exile ; on voudrait s’en défaire, on l’opprime ; on finit par être détrôné ou tué par celui qu’on a persécuté, ou bien on le tue ; et on est tué par un autre. Dans ce chaos d’horreurs, de faiblesses, d’inconstances, de trahisons, de meurtres, on crie toujours : Dieu ! Dieu ! On est béni par une