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. Cependant Amalec vint attaquer Israël au camp de Raphidim. Et Mosé dit à Josué : choisissez des combattans et sortez du camp pour combattre Amalec ; demain je me tiendrai sur le haut de la montagne avec la verge de Dieu dans ma main. Josué fit comme Mosé l’avait dit, et il combattit contre Amalec. Or Mosé, Aaron, et Ur, s’en allerent au haut de la colline ; et quand Mosé levait ses mains en haut, Israël était vainqueur, mais quand il laissait tomber un peu ses mains, Amalec l’emportait... or Aaron et Ur lui soutinrent les mains des deux côtés ; Josué donc mit en fuite Amalec, et tua toute son armée. Et Dieu dit à Mosé : écrivez cela dans un livre, et dites la chose aux oreilles de Josué ; car j’abolirai la mémoire d’Amalec sous le ciel. [1] au troisieme

    ; et enfin ils nient le miracle de la manne comme tous les autres. Ils prétendent qu’il était aussi aisé à Dieu de les bien nourrir, que de les mal nourrir ; que si les hommes, les femmes et les enfans, marcherent trois jours entiers dans les sables brulants du désert de Sin sans boire, les femmes et les enfans durent expirer par la soif ; que non seulement Dieu se serait contredit lui-même en les conduisant ainsi lorsqu’il se déclarait leur protecteur et leur pere, mais qu’il était leur cruel homicide ; qu’il est impossible d’admettre dans Dieu tant de déraison et tant de cruauté. Quelques raisons qu’on leur dise ils persistent dans leurs blasphêmes, et nous ne pouvons que les plaindre

  1. Amalec était petit-fils d’ésaü, et il occupa une partie de l’Idumée. Ses descendants devinrent la principale horde de l’Arabie déserte ; et l’on prétend que ce fut la horde dont descendait Hérode, qu’Antoine fit roi de Judée. Ces amalécites furent très longtemps sans avoir de villes ; mais leur vie errante endurcissoit leurs corps, et les rendait redoutables. Les critiques disent, que ce n’était pas la peine de faire mourir dans des déserts le peuple juif, de peur qu’ils ne fussent attaqués par les cananéens, puisqu’ils furent attaqués par des arabes ; et que cette bataille contre Amalec fut très-inutile, puisqu’aucun des israëlites qui combattirent n’entra dans la terre promise, excepté deux personnes : ils trouvent d’ailleurs que Mosé, Aaron et Ur, se conduisirent en lâches, en se cachant sur une montagne pendant que leur peuple exposait sa vie. Ils ne songent pas que Mosé était un vieillard de quatre-vingts ans, et qu’Aaron en avait quatre-vingts trois ; que d’ailleurs Mosé tenait sa verge à la main, et qu’en levant les mains au seigneur il rendait plus de services que tous les combattans ensemble. Le chevalier Folard, qui a fait graver toutes les batailles dont le dictionnaire de Don Calmet est orné, a dessiné la bataille d’Amalec, et a placé Mosé, Aaron, et Ur, sur le sommet du mont Oreb. On voit dans la campagne des troupes disposées à peu près comme elles le sont aujourd’hui, des étendarts semblables aux nôtres, et des chariots dont les roues sont armées de faulx ; ce qui n’est gueres pratiquable dans ce désert. Le texte nous apprend que Dieu ordonna à Mosé d’écrire cette bataille dans un livre ; il n’en faut point chercher d’autre que l’exode même. C’est toujours beaucoup qu’il nous soit resté deux livres aussi anciens que la genese et l’exode. En quelque temps qu’ils aient été écrits, ce sont des monuments très précieux ; les critiques ne peuvent empêcher qu’on y retrouve une peinture des mœurs antiques et barbares. Il est à croire que si nous avions quelques monuments des anciens toscans, des latins, des gaulois, des germains, nous les lirions avec la curiosité la plus avide.