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à ses officiers, et se ressouvint à table de son grand échanson et de son grand panetier. Il rétablit l’un pour lui donner à boire, et fit pendre l’autre, afin de vérifier l’explication de Joseph. Mais le grand échanson, étant rétabli, oublia l’interprête de son rêve. Deux ans après, pharaon eut un songe. Il crut être sur le bord d’un fleuve dont sortaient sept vaches belles et grasses, et ensuite sept maigres et vilaines ; et ces vilaines dévorerent les belles. Il se rendormit, et vit sept épis très-beaux à une même tige, et sept autres épis desséchés qui mangerent les autres épis. Saisi de terreur, il envoya dès le matin chercher tous les sages et tous les devins ; nul ne put lui expliquer son rêve. Alors le grand échanson se souvint de Joseph ; il fut tiré de prison par ordre du roi, et présenté à lui, après qu’on l’eût rasé et habillé. Joseph répondit : les deux songes du roi signifient la même chose. Les sept belles vaches et les sept beaux épis signifient sept ans d’abondance. Les sept vaches maigres et les sept épis desséchés signifient sept années de stérilité. Il faut donc que le roi choisisse un homme sage et habile qui gouverne toute la terre d’égypte, et qui établisse des préposés qui gardent chaque année la cinquieme partie des fruits. Le conseil plut à pharaon et à ses ministres. Le roi leur dit : où pouvons-nous trouver un homme aussi rempli que lui de l’esprit de Dieu ? Et il dit à Joseph : puisque Dieu t’a montré tout ce que tu m’as dit, où pourrai-je trouver un homme plus sage que toi et semblable à toi [1] ? Il lui donna son anneau, le vêtit d’une robe de fin lin, lui mit au cou un collier d’or, le fit monter sur un char ; et un héraut criait : que tout le monde fléchisse le genou devant le gouverneur de l’égypte. Il changea aussi son nom, il l’appella Zaphna-Paneah, et lui fit épouser Azeneth fille de Putiphar, qui était aussi prêtre d’Héliopolis. Avant que la famine commençât, Joseph eut deux fils de sa femme Azeneth, fille de Putiphar. Et il nomma l’aîné Manassé, et l’autre éphraïm. [2]

  1. le pharaon déclare ici deux fois que l’esclave hébreu est inspiré de Dieu : il ne dit pas, de son dieu particulier ; il dit de dieu, en général. Il semble donc ici que, malgré toutes les superstitions qui dominaient, malgré la magie et les sorcelleries auxquelles on croyait, le dieu universel était reconnu à Memphis comme dans la famille d’Abraham, du moins au temps de Joseph. Mais comment savoir ce que croyaient des égyptiens ? Ils ne le savaient pas eux-mêmes. On fait une autre question moins importante. On demande comment sept épis de bled en purent manger sept autres. Nous n’entreprenons point d’expliquer ce repas. (Note de Voltaire.)
  2. ceci est singulier. Joseph, petit-fils d’Abraham, épouse Azeneth, fille de