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habites-y, dresse un autel au dieu qui t’apparut, quand tu fuyais ton frere ésaü. Jacob, ayant rassemblé tous ses gens, leur dit : jettez loin de vous tous les dieux étrangers qui sont parmi vous ; purifiez vous et changez d’habits. Ils lui donnerent donc tous les dieux qu’ils avaient, et les ornemens qui étaient aux oreilles de ces dieux, et Jacob les enfouit au pié d’un thérébinte, derriere la ville de Sichem. Quand ils furent partis, Dieu jetta la terreur dans toutes les villes des environs, et personne n’osa les poursuivre dans leur retraite. Dieu apparut une seconde fois à Jacob depuis son retour de Mésopotamie, et Dieu lui dit : ton nom ne sera plus Jacob, mais ton nom sera Israël ; et il lui dit : je suis le dieu très puissant ; je te ferai croître et multiplier ; tu seras pere de plusieurs nations ; et des rois sortiront de tes reins. Jacob partit ensuite de Béthel, et vint au printemps au pays qui mene à éphrata, Rachel étant prête d’accoucher. Ses couches furent si douloureuses qu’elles la mirent à la mort. Son ame étant prête de sortir, elle donna à son fils le nom de Benoni, le fils de ma douleur. Mais Jacob l’appella Benjamin, le fils de ma droite. Rachel mourut, et fut enterrée sur le chemin qui mene à éphrata, c’est-à-dire à Bethléem. Jacob mit une pierre sur le lieu de sa sépulture, qu’on voit encore aujourd’hui. Or étant parti de ce lieu, il transporta ses tentes dans un endroit appellé la tour des troupeaux ; et ce fut là que Ruben, fils aîné de Jacob coucha avec Bala [1], femme ou concubine de son pere. Or Jacob avait douze fils. Les fils de Lia sont Ruben, Siméon,

    fils d’ésaü, furent toujours plus puissans, plus nombreux, plus riches, que les descendans de Jacob qui furent si souvent esclaves. (Note de Voltaire.)

  1. ce que dit le texte de la ville d’éphrata et du bourg de Bethléem donne encore occasion aux critiques de dire que Moyse n’a pu écrire le pentateuque. Leur raison est que la ville d’éphrata ne reçut ce nom que de Caleb du temps de Josué, et que ni Bethléem, ni Jérusalem n’existaient encore. Bethléem reçut ce nom de la femme de Caleb, qui se nommait éphrata. Cette nouvelle critique est forte : nous y répondons ce que nous avons déjà répondu aux autres. Nous avouons qu’il est étrange que Ruben, le premier des patriarches, prenne précisément le temps de la mort de Rachel pour coucher avec la concubine ou la femme de son pere, sans que la sainte écriture marque son horreur pour ce nouveau crime. Les voies du seigneur ne sont pas les nôtres. La servante Bala, souillée de cet inceste, est la premiere des prostituées dont il soit parlé dans l’écriture : elle est femme de ce même Jacob dont Jesus-Christ lui-même a daigné naître, pour montrer sans doute qu’il lavait tous les péchés. Jacob ne témoigne ici aucune colere de cette abomination. Il attendit l’article de sa mort pour reprocher à Ruben sa turpitude, et le massacre des sichémites à Siméon et à Lévi. On lui fait dire à Ruben en mourant : mon fils premier-né, tu étais ma force, mais la cause de ma douleur : tu t’es répandu comme l’eau : tu ne croîtras point ; parce que