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584 PRIX DE LA JUSTICE

SU donner à la loi seule un si puissant empire qu'il suffit d'un seul ministre de la loi, revêtu des marques de son office, pour que le prévenu n'ose résister ?

Comment est-on parvenu à rendre ainsi les lois si respectables à chaque citoyen ? C'est lorsque la nation les a faites.

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DES SUPPLICES r.ECUERCHÉS.

Comment le bénédictin Calmet s'est-il pu divertir à faire gra- ver dans un dictionnaire des estampes de tous les tourments qui étaient en usage chez la petite nation judaïque? Être précipité du haut d'un rocher sur des cailloux, ou bien être lapidé avec ces cailloux dont le pays est couvert, et de là être pendu à une potence pour y attendre la mort; être enterré vivant dans un monceau de cendres ; mourir écrasé sous des traîneaux de fer, sous des épines, sous des roues, sous les pieds des chevaux ou des éléphants (quand par hasard ce peuple pouvait en avoir, ce qui était bien rare) ; écorcher de la tête aux pieds ; arracher les côtes et les en- trailles avec des ongles de fer ; brûler avec des torches ardentes ou dans des bûchers ; scier un homme en deux ! Quel honteux amusement les lecteurs trouvent-ils dans ces images ?

On prétend que le supplice de la roue fut inventé en Alle- magne, et ne fut employé en France que sous François I" contre les voleurs publics ^

En Angleterre, pour crime de haute trahison, la loi ordonne encore aujourd'hui que le coupable soit traîné tête nue sur le pavé jusqu'à la potence; que là, étant suspendu vivant, on lui arrache les entrailles et le cœur, qu'on en batte les joues du cou- pable, et que le bourreau, en montrant ce cœur sanglant, dise à haute voix : a Voilà le cœur du traître. » Mais cette exécrable exécu- tion est épargnée. Le coupable n'est plus traîné sur le pavé, on ne lui arrache plus le cœur tandis qu'il est en vie. Aucun sup- plice n'est permis au delà de la simple mort. Il a fallu du temps pour que cette nation sût joindre la pitié à la justice. Elle y est enfin parvenue.

��1. La loi qui l'établit est du chancelier Poyet; il est utile que le public sache que cette loi atroce a été l'ouvrage d'un magistrat flétri, pour ses malversations, par le parlement de Paris. C'est le même qui, ne trouvant pas à son gré la sen- tence portée par des commissaires contre l'amiral Chabot, la falsifia. (K.)

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