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ET DE L'HUMANITÉ. 583

��ARTICLE XXV.

DES PRISONS, ET DE LA SAISIE DES PUISONMERS.

Les prisons à Madrid, construites dans la grande place, sont décorées d'une façade de belle architecture. Il ne faut pas qu'une prison ressemble à un palais ; il ne faut pas non plus qu'elle ressemble à un charnier. On se plaint que la plupart des geôles en Europe soient des cloaques d'infection, qui répandent les ma- ladies et la mort, non-seulement dans leur enceinte, mais dans le voisinage. Le jour y manque, l'air n'y circule point. Les déte- nus ne s'entre-communiquent que des exhalaisons empestées. Ils éprouvent un supplice cruel avant d'être jugés. La charité et la bonne police devraient remédier à cette négligence inhumaine et dangereuse.

L'emprisonnement est déjà une peine par lui-même : il doit donc être proportionné à l'énormité du délit dont le détenu est accusé. Faut-il plonger dans le fond du même cachot un malheu- reux débiteur insolvable, et un scélérat violemment soupçonné d'un parricide ? Il y a des degrés à tout, des distinctions à faire dans chaque genre.

Nous voyons que le sage Louis XVI réforme en partie cet abus dans un édit qui supprime des centaines de petits persécuteurs subalternes qui plongeaient dans des cachots pestiférés des fa- milles indigentes condamnées par eux à des amendes i.

L'incarcération légale, quoique pénible, n'est point regardée d'abord par les juges comme un châtiment. Ce n'est à leurs yeux qu'une assurance de retrouver sous leur main le prévenu quand ils viendront l'interroger et le juger. Cependant, en Angleterre, un ministre d'État qui fait incarcérer sans raison un homme seu- lement pour le retrouver au besoin, et sous prétexte que prison n'est pas supplice, est obligé, par la loi, de payer quatre guinées pour la première heure, et deux guinées pour chaque heure sui- vante de la détention de cette homme qu'il a voulu avoir sous sa main. La prison est un supplice pour peu qu'elle dure. C'est un supplice intolérable quand on y est condamné pour sa vie.

Dans plusieurs États, la manière dont on s'y prend pour s'as- surer d'un homme ressemble trop à une attaque de brigands.

N'approuvez-vous pas l'heureuse méthode d'une nation qui a

"1. Édit pour la suppression des jurandes. (A'o^e de Voltaire.)

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