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ET DE L'HUiMANITÉ. 573

On dit que les exécuteurs, les suppôts de la justice doivent obéir aveuglément ; que ce n'est point à eux à examiner si le sup- plice dont ils ne sont que les instruments est équitable ou non. Et moi je vous dis que ces gens-là sont aussi criminels que les juges, quand ils mettent à exécution une sentence reconnue évi- demment injuste et barbare au tribunal de la conscience de tous les hommes.

Je ne sais quel écrivain un peu extraordinaire, dans un roman nommé Emile, dont le héros est un gentilhomme menuisier, a dit que « le dauphin de France devait épouser la fille du bour- reau s'il y trouvait des convenances ». J'ose affirmer que si le bourreau de Paris avait pu sauver la maréchale d'Ancre par son refus, le fils de cette maréchale aurait bien fait d'épouser la fille du sauveur de sa mère, malgré l'horreur de la profession du père.

Voilà une partie du code que j'aurais annoncé aux partisans de Brunehaut ou de Frédégonde, à la faction de la rose rouge et à celle de la rose blanche, aux Armagnacs et aux Bourguignons, aux fripons des deux partis dans le grand schisme de l'Occident, aux infâmes parlements du tyran Henri VIII.

Nous ne vous invitons donc point à parler de ces prétendues lois promulguées dans des temps de tyrannie et de brigandage.

Nous ne regarderons pas même comme un jugement légal l'arrêt de la chambre étoilée d'Angleterre, par lequel l'avocat Prynne eut les oreilles coupées au pilori, et paya mille livres sterling d'amende, pour avoir composé un livre contre la comé- die, en 1633. C'était le temps où le cardinal de Richelieu faisait naître le théâtre en France ; et la reine Henriette, fille du grand Henri IV, épouse de l'infortuné Charles I", protégeait le théâtre et les beaux-arts à Londres. Prynne était un fanatique imbécile, qui ne méritait pas une punition si sévère ; mais dans ce temps, le parti de la cour et la faction opposée commençaient à inter- préter les lois avec cruauté.

On sait trop que cette sombre rage de joindre les formalités de la loi aux horreurs de la politique fut poussée si loin chez cette nation, alors féroce, que son roi, vendu par des Écossais à des Anglais, fut enfin jugé à mort par une prétendue cour de justice à laquelle présidait, pour grand-steward, un sergent de loi, et où siégeaient un cordonnier et un charretier mêlés à trente- huit colonels. C'est le plus solennel et le plus tranquille assassinat juridique dont jamais aucune nation se soit vantée.

Si quelque crime exécuté avec la formalité d'une prétendue

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