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ET DE L'HUMANITÉ. 571

lerai pas de ces lois passagères qui ne subsistent qu'avec la puis- sance dont elles émanent, de ces défenses qui ne peuvent ilurer qu'autant que le danger dure, de ces règlements do caprice qui sont ou inutiles ou inexécutables ; mais je dois vous consulter sur ces ordres souverains qui révoltent l'équité naturelle.

Vous devez obéir à ceux qui font des lois dans votre patrie tant que vous demeurez dans cette patrie, j'en conviens ; mais je suppose que vous vous appeliez Banaïasi, capitaine des gardes d'un petit roi dans un pays de quarante-cinq lieues de long sur quinze de large. Vous savez que le feu roi a laissé deux fils, dont le cadet est né d'une femme adultère, complice de l'assassinat de son premier mari ; le père de ces deux enfants, par une nou- velle injustice en faveur de cette prostituée, a désliérité son fils aîné, fils d'une princesse vertueuse. Il a institué roi ce cadet, fils de la prostitution et du meurtre. Le malbeureux déshérité ne demande au possesseur de son bien d'autre grâce que la per- mission d'épouser une petite fille qui a servi pendant quelques mois à réchaufl"er son vieux père. Il implore même, pour en obtenir l'agrément, la protection de la vieille mère de son frère. Comment ce frère reçoit-il cette supplication? Il vous ordonne, à vous Banaïas, capitaine d'une vingtaine de meurtriers qu'on appelle ses gardes, d'aller tuer son frère aîné pour toute réponse. Le frère aîné crie miséricorde, invoque son Dieu, embrasse les cornes de l'autel ; le cadet vous commande d'assassiner son frère, votre roi légitime, sur cet autel même. Je vous demande, Banaïas, si vous devez obéir.

Je pense qu'il faudrait que Dieu lui-même descendît de l'em- pyrée dans toute sa majesté, et qu'il vous commandât de sa bouche ce parricide, pour des raisons inconnues aux faibles mor- tels. Pour moi, je lui dirais : « Seigneur, la main me tremble, daignez charger quelque autre Juif de cette commission. »

Puisqu'on s'efforce encore denos jours à chercher des exemples de conduite chez ce peuple, autrefois gouverné par Dieu même, et si souvent infidèle à Dieu ; chez ce peuple qui prépara notre salut, et qui est l'objet de notre horreur; puisqu'on a confondu si souvent ses crimes avec la loi naturelle et divine qui les con- damne, je vais choisir encore un exemple chez ce peuple parmi cent autres exemples.

Lorsque Siméon et Lévi firent un pacte avec les habitants de

��1. Banaïas était capitaine des gardes de David; voyez, dans la Bible, les livres II et III des Rois.

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