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ET DE L'HUMANITÉ. 543

Virgile les plaint, quoiqu'il soit fort douteux s'ils sont à plaindre; mais il ne les condamne pas. L'empereur Marc-Antonin ordonne qu'on ne trouble point leurs cendres, et que leurs testa- ments soient très-valables. {Loi du divin Marc-Antonin, code,\\\. IX, tit. L.)

L'abbé de Saint-Cyran, le patriarche des jansénistes, autrefois homme célèbre pour un peu de temps, écrivit, en 1608, un livre en faveur du suicide i.

Tout ce qu'on a dit pour détourner de cette action, représentée tantôt comme courageuse, tantôt comme lâche, se réduit à ceci : Vous appartenez à la république ; il ne vous est pas permis de quitter votre poste sans son ordre.

Tout ce qu'on a dit pour la justifier consiste dans ceci :

La république se passera très-bien de moi après ma mort, comme elle s'en est passée avant ma naissance. Je suis mécon- tent de ma maison, j'en sors, au hasard de n'en pas trouver une meilleure. Mais vous, quelle est votre folie de me pendre par les pieds quand je ne suis plus? Et quel est est votre brigandage de voler mes enfants - ?

ARTICLE VI.

DES MÈHES I!\FANTICIDES.

Si j'ai trop excusé ceux qui se tuent, je tremble d'excuser trop de mères qui exposent leurs enfants, et surtout des filles, victimes malheureuses de l'amour et de Thonneur, ou plutôt de la honte.

On a vanté et mis en vigueur le célèbre édit du roi de France Henri II, qui ordonne qu'on punisse de mort toute femme ou fille qui, ayant celé sa grossesse, accouche d'un enfant trouvé mort sans avoir été baptisé ^

��1. Voyez tome XXV, page 569.

2. Le suicide peut être, dans certains cas, une faute contre la morale, mais il ne peut jamais devenir un délit. Il n'offense directement ni les droits d'un autre homme ni ceux de la société. La peine infligée pour le suicide ne peut ni prévenir le crime ni le réparer : elle ne tombe point sur le coupable. Des mœurs féroces, une vile superstition, ont inspiré à nos grossiers aïeux l'idée de ces farces barbares, et l'avarice y a joint la confiscation. Cette loi est presque tombée en désuétude en France. Si on l'exécute encore quelquefois pour contenter les sots et amuser la populace, c'est contre des malheureux dont la famille trop pauvre ou trop obscure ne mérite pas que son honneur soit compté pour quelque chose. (K.)

3. Cette loi est du cardinal Bertrand, chancelier sous Henri II. Forcer une fille à déclarer à un juge ce qu'on appelle sa honte, la punir du dernier supplice si, n'ayant pas voulu se soumettre à cette humiliation, ou ayant trop tardé à la subir.

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