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D’ÉVHÉMÈRE.
Callicrate.

Eh bien ! un petit barbare a cru depuis peu instituer une méthode d’élever les princes bien supérieure à l’éducation du vainqueur de Babylone.

D’abord l’auteur, demi-Gaulois, demi-Allemand, déclare qu’un grand prince l’a supplié de vouloir bien lui faire l’honneur d’être précepteur de son fils ; qu’il l’a refusé, et qu’il ne sera jamais précepteur. Aussitôt il nous apprend qu’il l’est d’un jeune homme de qualité. Savez-vous quelles leçons il donne à son élève ? Il en fait un garçon menuisier[1] ; il l’accompagne au b.....[2]. Il lui persuade qu’un prince, un souverain, doit épouser la fille du bourreau si les convenances s’y trouvent[3]. Enfin il lui dit qu’il est bien plus sage d’assassiner son ennemi que de le combattre noblement[4].

Callicrate.

Est-ce ainsi qu’on élève la jeune noblesse dans la Gaule ? Vraiment vous ne m’avez pas trompé quand vous m’avez promis que vous me diriez ce que vos barbares ont de bon et de mauvais.

  1. Dans une édition de Londres (Hollande), on a supprimé la fin de cet alinéa, et la réponse de Callicrate. Après le mot menuisier, on a mis trois etc. ; et l’on dit en note :

    « L’éditeur de cet ouvrage, qui se fait gloire d’annoncer publiquement sa haute estime pour M. J.-J. Rousseau, a jugé à propos de supprimer ici quelques traits d’une critique trop amère contre cet homme célèbre, qui jamais ne trempa sa plume dans le fiel de l’envie et de la malignité. Il y a bien peu de mérite à isoler les phrases d’un livre pour les présenter dans un autre sens que l’auteur ne les donne ; il n’y a point d’ouvrage si bon qu’on ne parvînt à rendre condamnable ou ridicule par cette basse manœuvre. À Dieu ne plaise que nos grands hommes s’avilissent à un tel point ! ces guerres méprisables ne doivent être connues que sous les charniers des Innocents.

    « Voici un passage assez convenable, et que l’auteur de ces Dialogues ne récusera pas :

    Les Muses, filles du Ciel,
    Sont des sœurs sans jalousie ;
    Elles vivent d’ambroisie,
    Et non d’absinthe et de fiel ;
    Et quand Jupiter appelle
    Leur assemblée immortelle
    Aux fêtes qu’il donne aux dieux,
    Il défend que la satire
    Trouble les sons de leur lyre
    Par ses sons audacieux.

    Cette strophe fait partie de la lettre au P. Porée, du 7 janvier 1730 ; voyez dans la Correspondance. (B.)

  2. Émile, tome III, page 261, édition de Néaulme, à Amsterdam. (K.)
  3. Émile, tome IV, page 178. (K.)
  4. Tome II, page 297. (K.) — Voyez Dictionnaire philosophique, au mot Assassinat, section ii, tome XVII, page 444.