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mais il y eut encore une querelle entre les pasteurs de Gérar et les pasteurs d’Isaac, disant cette eau est à nous [1]. C’est pourquoi Isaac appella ce puits le puits de la calomnie… et les serviteurs d’Isaac vinrent lui dire qu’ils avaient trouvé un puits ; c’est pourquoi Isaac nomma ce puits l’abondance… et ésaü, âgé de quarante ans, épousa Judith, fille de Beri héthéen [2] ; et Basamath, fille d’élon du même lieu, qui toutes-deux offenserent Isaac et Rébecca. Isaac, devenu vieux, ses yeux s’obscurcirent, il ne pouvait plus voir. Il appella donc ésaü son fils aîné, et lui dit : mon fils ! ésaü répondit, me voilà. Son pere lui dit : tu vois que je suis vieux, et que j’ignore le jour de ma mort. Prends ton carquois et ton arc ; va-t-en aux champs ; apporte-moi ce que tu auras pris ; fais-m’en un ragoût, comme tu sais que je les aime ; apporte-le moi, afin que j’en mange, et que mon ame te bénisse avant que je meure. Rébecca, ayant entendu cela, et qu’ésaü était aux champs selon l’ordre de son pere, dit à Jacob son fils : j’ai entendu Isaac ton pere qui disait à ton frere ésaü, apporte-moi de ta chasse, fais-en un ragoût afin que j’en mange, et que je te bénisse devant le seigneur avant de mourir. Suis donc mes conseils, va-t-en au troupeau ; apporte-moi deux des meilleurs chevreaux, afin que j’en fasse à ton pere un plat que je sais qu’il aime. Et quand tu les auras apportés et qu’il en aura mangé, qu’il te benisse avant qu’il meure. Jacob lui répondit : tu sais que mon frere est tout velu [3], et que j’ai la peau douce. Si mon pere

    mâtre qui s’échappent quelquefois des puits qu’on a creusés, lorsque le lac Asphaltide étant enflé, et se filtrant dans la terre, en fait sortir ces eaux, dont à peine les hommes et les animaux peuvent boire. Les caravanes, qui passent par ce désert, sont obligées de porter de l’eau dans des outres. Quand ils ont trouvé par hazard un puits, ils le cachent très soigneusement. Et il y a eu plusieurs voyageurs que la soif a fait mourir dans ce pays inhabitable. (Note de Voltaire)

  1. ces disputes continuelles pour un puits confirment ce que nous venons de dire sur la disette d’eau et sur la stérilité du pays. (Id.)
  2. malgré les défenses positives du seigneur d’épouser des filles cananéennes, voilà pourtant ésaü qui en épouse deux à la fois, et Dieu ne lui en fait nulle réprimande. (Id.)
  3. cette supercherie de Rébecca et de Jacob est regardée comme très criminelle ; mais le succès n’en est pas concevable. Il paraît impossible qu’Isaac, ayant reconnu la voix de Jacob, ait été trompé par la peau de chevreau dont Rébecca avait couvert les mains de ce fils puîné. Quelque poilu que fut ésaü, sa peau ne pouvait ressembler à celle d’un chevreau. L’odeur de la peau d’un animal fraîchement tué devait se faire sentir. Isaac devait trouver que les mains de son fils n’avaient point d’ongles. La voix de Jacob devait l’instruire assez de la tromperie ; il devait tâter le reste du corps. Il n’y a personne qui puisse se laisser prendre à un artifice si grossier. (Id.)