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Or Abraham prit une autre femme, nommée Cetura, qui lui enfanta Zamram, Jecsan, Madan, Madian, et Jesboc, et Suhé[1]. Or les jours d’Abraham furent de cent soixante et quinze années, et il mourut de faiblesse dans une bonne vieillesse, plein de jours, et il fut réuni à son peuple… Isaac et Ismaël ses fils l’ensevelirent dans la caverne double qui est dans le champ d’Éphron, fils de Séor l’Éthéen, vis-à-vis Mambré… Isaac, âgé de quarante ans, ayant donc épousé Rébecca, fille de Bathuel, le Syrien de Mésopotamie, et sœur de Laban, Isaac pria le Seigneur pour sa femme, parce qu’elle était stérile, et le Seigneur l’exauça en faisant concevoir Rébecca ; mais les deux enfants dont elle était grosse se battaient dans son ventre l’un contre l’autre[2] ; et elle dit : Si cela est ainsi, pourquoi ai-je conçu ? Et elle alla consulter le Seigneur, qui lui dit : Deux nations sont dans ton ventre, et deux peuples sortiront de ta matrice ; ils se diviseront ; un peuple surmontera l’autre, et le plus grand sera assujetti au plus petit… Le temps d’enfanter étant venu, voilà qu’on trouva deux jumeaux dans sa matrice. Le premier qui sortit était roux, et hérissé de poil[3] comme un manteau : son nom est Ésaü ; l’autre, sortant aussitôt, tenait son frère par le pied avec la main, et on l’appela Jacob. Isaac avait soixante ans quand ces deux petits naquirent. Lorsqu’ils furent adultes, Ésaü fut homme habile à la chasse et laboureur ; Jacob, homme simple, habitait dans les tentes.

  1. On croit que Cetura était Chananéenne. Cela serait étrange, après avoir dit tant de fois qu’il ne fallait point se marier a des Chananéennes. Il est encore plus étrange qu’il se soit remarié à deux cents ans, ou au moins à cent quarante ans, d’autant plus que Sara elle-même l’avait trouvé trop vieux à cent ans pour engendrer. Cependant il fait encore six enfants à Cetura. Ces six enfants régnèrent, dit-on, dans l’Arabie déserte. Ce n’aurait pas été un fort beau royaume ; mais il se trouverait par là que les enfants de Cetura auraient été pourvus dans le temps que les enfants de Sara, auxquels Dieu avait promis toute la terre, ne possédaient rien du tout. Ils ne se rendirent maîtres de la terre de Jéricho que quatre cent soixante et dix ans après, selon la computation hébraïque. (Note de Voltaire.)
  2. Il est difficile que deux enfants se battent dans une matrice, et surtout dans le commencement de la grossesse. Une femme peut sentir des douleurs, mais elle ne peut sentir que ses deux fils se battent. On ne dit point comment et où Rébecca alla consulter le Seigneur sur ce prodige, ni comment Dieu lui répondit : « Deux peuples sont dans ton ventre, et l’un vaincra l’autre. » Il n’y avait point encore d’endroit privilégié où l’on consultât le Seigneur : il apparaissait quand il voulait, et c’est probablement dans une de ces apparitions fréquentes que Rébecca le consulta, (Id.)
  3. Il est rare qu’un enfant naisse tout velu. Ésaü en est le seul exemple. Il n’est pas moins rare qu’un enfant, en naissant, en tienne un autre par le pied. Ce sont de ces choses qui n’arrivent plus aujourd’hui, mais qui pouvaient arriver alors. (Id.)