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D’ÉVHÉMÈRE.
Évhémère.

Et moi aussi. Il y a longtemps que j’y rêve en cultivant mon jardin à Syracuse.

Callicrate.

Eh bien ! qu’avez-rous rêvé ? Dites-moi, je vous prie, en peu de mots, si cette terre a toujours été peuplée d’hommes ; si la terre elle-même a toujours existé ; si nous avons une âme ; si cette âme est éternelle, comme on le dit de la matière ; s’il y a un dieu ou plusieurs dieux ; ce qu’ils font, à quoi ils sont bons. Qu’est-ce que la vertu ? Qu’est-ce que l’ordre et le désordre ? Qu’est-ce que la nature ? A-t-elle des lois ? Qui les a faites ? Qui a inventé la société et les arts ? Quel est le meilleur gouvernement ? Et surtout quel est le meilleur secret pour échapper aux périls dont chaque homme est environné à chaque instant ? Nous examinerons le reste une autre fois.

Évhémère.

En voilà pour dix ans au moins, en parlant dix heures par jour.

Callicrate.

Cependant tout cela fut traité hier chez la belle Eudoxe par les plus aimables gens de Syracuse.

Évhémère.

Eh bien ! que fut-il conclu ?

Callicrate.

Rien. Il y avait là deux sacrificateurs, l’un de Cérès, l’autre de Junon, qui finirent par se dire des injures. Allons, dites-moi sans façon tout ce que vous pensez. Je vous promets de ne vous point battre, et de ne vous point déférer au sacrificateur de Cérès.

Évhémère.

Eh bien ! venez m’interroger demain : je tâcherai de vous répondre ; mais je ne vous promets pas de vous satisfaire.



DEUXIÈME DIALOGUE.


Sur la divinité.


Callicrate.

Je commence par la question ordinaire : Y a-t-il un Théos ? Le grand-prêtre de Jupiter Ammon a déclaré qu’Alexandre était son fils, et il a été bien payé ; mais ce Théos existe-t-il ? Et depuis le temps qu’on en parle, ne s’est-on pas moqué de nous ?