Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/463

Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR L'ESPRIT DES LOIS. 453

Un autre de ses camarades francs, Renomer, s'était cantonné dans le pays du Maine : il le fit poignarder de même par des coupe-jarrets, et se défit ainsi de tous ceux qui lui faisaient quelque ombrage.

Daniel dit que, « pour satisfaire h la justice de Dieu, il em- ploya ses soins et ses finances à quantité de choses fort utiles à la religion ; il commença ou acheva des églises et des monas- tères ».

Si ce prince orthodoxe, méconnaisant l'esprit du christianisme, commit tant d'atrocités, Gondebaud l'arien, oncle de la célèbre sainte Clotilde, ne fut pas moins souillé de crimes. Il assassina, dans la ville de Vienne, son propre frère et sa belle-sœur, père et mère de Clotilde. 11 mit le feu à la chambre où un autre de ses frères était renfermé, et l'y brûla vif; il fit jeter sa femme dans la rivière, et Clotilde échappa à peine à ces massacres. CeGonde- ])aud d'ailleurs était un législateur. C'étaient là les mœurs des Francs, et ce que Montesquieu appelle les manières.

On sait trop que les enfants de Clovis ne dégénérèrent pas : le cœur saigne quand on est forcé de rapporter les actions poli- tiques de cette famille.

Clotilde, après la mort de son mari, voulut venger la mort de son père et de sa mère sur Gondebaud, son oncle. Elle arma contre lui ses quatre enfants : Thierry, roi de Metz; Clotaire, de Soissons ; Childebert, de Paris, et Clodomir, d'Orléans. Clodomir fut tué, ayant été abandonné de ses frères dans une bataille. Il laissait trois enfants, dont le plus âgé avait à peine dix ans ; Clo- domir, leur père, leur avait laissé la province d'Orléans à partager, selon l'usage. Clotaire ne se contenta pas d'épouser la veuve de son frère, il voulut s'emparer du bien de ses neveux. Son frère Childebert s'unit avec lui dans cette entreprise : ils s'accordèrent à partager le petit État d'Orléans. La veuve de Clovis, qui élevait ses petits-enfants, s'opposa à cette injustice. Clotaire et Childebert se saisirent des trois enfants, dont ils devaient être les protecteurs. Ils envoyèrent à leur grand'mère une paire de ciseaux et un poignard, par un Auvergnat nommé Arcadius. « Il faut, lui dit ce député, choisir entre l'un et l'autre. Voulez-vous que ces ciseaux coupent les cheveux de vos petits-fils, ou que ce poignard les égorge? »

L'usage était alors de regarder comme ensevelis dans le mo- nachisme les enfants qu'on avait tondus. Des ciseaux tenaient lieu des trois vœux. Clotilde, dans sa colère, répondit : (( J'aime mieux les voir morts que moines. » Clotaire et Childebert n'exé-

�� �