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444 COMMENTAIRE

qui retienne légalement l'autorité impériale dans ses limites-, mais Tusage consacré et invariable de tous les tribunaux est que chacun hérite de ses pères. Cette loi non écrite est plus constam- ment observée qu'en aucun État monarchique. »

Cette déclaration d'un des conquérants des plus belles contrées de l'Inde vaut bien celle d'un jésuite, et toutes deux doivent balancer au moins l'opinion de ceux qui prétendent que cotte riche partie de la terre, peuplée de cent dix millions d'hommes, n'est habitée que par des despotes et des esclaves.

Toutes les relations qui nous sont venues de la Chine nous ont api)ris que chacun y jouit de son bien beaucoup plus libre- ment que dans l'Inde. Il n'est pas croyable qu'il y ait un seul pays dans le monde où la fortune et les droits des citoyens dépendent du chaud et du froid.

Le climat étend son pouvoir, sans doute, sur la force et la beauté du corps, sur le génie, sur les inclinations. >ous n'avons jamais entendu parler ni d'une Phryné samoyède ou négresse, ni d'un Hercule lapon, ni d'un Newton topinamhou ; mais je ne crois pas que l'illustre auteur ait eu raison d'affirmer que les peuples du Nord ont toujours vaincu ceux du Midi : car les Arabes acquirent par les armes, en très-peu de temps, au nom de leur patrie, un empire aussi étendu que celui des Romains; et les Romains eux-mêmes avaient subjugué les bords de la mer Noire, qui sont presque aussi froids que ceux de la mer Raltique.

L'illustre auteur croit que les religions dépendent du climat. Je pense avec lui que les rites en dépendent entièrement. Maho- met n'aurait défendu le vin et les jambons ni à Rayonne ni à Mayence. On entrait chaussé dans les temples de la Tauride, qui est un pays froid ; il fallait entrer nu-picds dans celui de Jupiter Ammon, au milieu des sables brûlants. On ne s'avisera point en Egypte de peindre Jupiter armé du tonnerre, puisqu'il y tonne si rarement. On ne figurera point les réprouvés par l'emblème des boucs dans une île comme Ithaque, où les chèvres sont la principale richesse du pays.

Une religion dont les cérémonies les plus essentielles se feront avec du pain et du vin, quelque sublime, quelque divine qu'elle soit, ne réussira pas d'abord dans un pays où le vin et le froment sont inconnus.

La croyance, qui constitue proprement la religion, est d'une nature toute différente. Elle dépendit chez les Gentils unique- ment de l'éducation. Les enfants troyens furent élevés dans la persuasion qu'Apohon et Neptune avaient bâti les murs de Troie,

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