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emmena avec lui deux jeunes gens, et Isaac son fils ; et ayant coupé du bois pour le sacrifice, il alla au lieu où Dieu lui avait commandé d’aller ; et le troisième jour, il vit de loin le lieu, et il dit aux jeunes gens : Attendez ici avec l’âne. Nous ne ferons qu’aller jusque-là, mon fils et moi ; et après avoir adoré, nous reviendrons… Il prit le bois du sacrifice, il le mit sur le dos de son fils ; et pour lui, il portait en ses mains du feu et un sabre. Comme ils marchaient ensemble. Isaac dit à son père : Mon père ! Abraham lui répondit : Que veux-tu, mon fils ? — Voilà, dit Isaac, le feu et le bois ; où est la victime du sacrifice ? Abraham dit : Dieu pourvoira la victime du sacrifice, mon fils. Ils s’avancèrent donc ensemble, et ils arrivèrent à l’endroit que Dieu avait montré à Abraham : il y éleva un autel, arrangea le bois par-dessus, lia Isaac son fils, et le mit sur le bois ; il étendit sa main et prit son glaive ; et voilà que l’ange de Dieu cria du haut du ciel, disant : Abraham ! Abraham ! qui répondit : Me voici. L’ange lui dit : N’étends pas ta main sur l’enfant, et ne lui fais rien. Maintenant j’ai connu que tu crains Dieu, et tu n’as pas pardonné à ton fils unique à cause de moi. Abraham leva les yeux, et il aperçut derrière lui un bélier embarrassé par ses cornes dans un buisson, et, le prenant, il l’offrit en sacrifice pour son fils… Or l’ange du Seigneur appela Abraham du ciel pour la seconde fois. J’ai juré par moi-même, dit le Seigneur, que parce que tu as fait cette chose, et que tu n’as point épargné ton propre fils à cause de moi, je te bénirai, je multiplierai ta semence comme les étoiles du ciel, et comme le sable qui est sur le bord de la mer ; ta semence possédera les portes de tes ennemis, et toutes les nations de la terre seront bénies dans ta semence, parce que tu as obéi à ma voix[1].

    Isaac. Cet enfant n’avait pas encore treize ans. Il a paru à ces critiques aussi difficile que cet enfant portât tout le bois nécessaire qu’il aurait été difficile à Abraham de le couper. Le réchaud que portait Abraham pour allumer le feu ne pouvait contenir que quelques charbons qui devaient être éteints avant d’arriver au lieu du sacrifice. Enfin on a poussé la critique jusqu’à dire que la montagne Moria n’est qu’un rocher pelé, sur lequel il n’y a jamais eu un seul arbre ; que toute la campagne des environs de Jérusalem a toujours été remplie de cailloux, et qu’il fallut dans tous les temps y faire venir le bois de très-loin. Toutes ces objections n’empêchent pas que Dieu n’ait éprouvé la foi d’Abraham, et que ce patriarche n’ait mérité la bénédiction de Dieu par son obéissance.

    Voyez ci-dessous le sacrifice de la fille de Jephté, et voyez ensuite les reproches qu’Isaïe fait aux Juifs d’immoler leurs enfants à leurs dieux, et de leur écraser saintement la tête sur des pierres dans des torrents. ( Isaïe ou Ésaîa, chap. lvii.) Alors on sera convaincu que les Juifs furent de tout temps de sacrés parricides. Pourquoi ? C’est qu’ils abandonnaient souvent Dieu, et que Dieu les abandonnait à leur sens réprouvé. (Note de Voltaire.)

  1. C’est encore ici une nouvelle promesse de bénir toutes les nations de la