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436 COMMENTAIRE

sommes aperçus que trop tard. Elle a déjà été réfutée par les sa- vants que nous avons cités *. » Elle n'est pas plus juste, disent-ils, que si on supposait la place des maires du palais une loi fonda- mentale de France. Les abus de l'usurpation doivent-ils être appelés des lois fondamentales ? Le viziriat de la Turquie doit-il être regardé comme une règle générale, uniforme, et fondamen- tale, de tous les États du vaste continent de l'Asie ?

« Si l'établissement d'un vizir était dans ces pays une loi fon- damentale, il y aurait dans tous un vizir, et nous voyons le con- traire. Si c'était une loi fondamentale de ceux où il y en a, l'établissement de cet officier devrait avoir été fait lors de l'éta- blissement de la monarchie et de la despotie.

(( La loi fondamentale d'un État est une partie intégrante de cet État, et sans laquelle il ne peut exister. L'empire des califes a pris naissance en 622. Le premier grand vizir a été Abou-Mosle- mah, sous le calife Abou-Abbas-Safîah, dont le règne n'a com- mencé qu'en 131 de l'hégire.

a Donc l'établissement d'un grand vizir dans les États que l'auteur appelle despotiques n'est pas, comme il le prétend, une loi fondamentale de l'État. »

XLIV.

« Les Grecs et les Romains exigeaient une voix de plus pour condamner; nos lois françaises en demandent deux; les Grecs prétendaient que leur usage avait été établi par les dieux, mais c'est le nôtre. Voyez Denis d'Halicarnasse, sur le jugement de Coriolan, livre VIL » (Page 210, liv. XII, chap. m.)

L'auteur oublie ici que, selon Denis d'Halicarnasse, et selon tous les historiens romains, Coriolan fut condamné par les co- mices assemblés en tribus; que vingt et une tribus le jugèrent; que neuf prononcèrent son absolution, et douze sa condamnation ; chaque tribu valait un suffrage. Montesquieu, par une légère inadvertance, prend ici le suffrage d'une tribu pour la voix d'un seul homme. Socrate fut condamné à la pluralité de trente-trois voix. Montesquieu nous fait bien de l'honneur de dire que c'est la France chez qui la manière de condamner a été établie par les dieux. En vérité, c'est l'Angleterre : car il faut que tous les jurés y soient d'accord pour déclarer un homme coupable. Chez nous, au contraire, il a suffi de la prépondérance de cinq voix pour

1. Dans V Avant-propos, page i06.

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