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SUR L'ESPRIT DES LOIS. 433

��XXXVIII.

��(1 Un État qui en a conquis un autre... continue à le gouver- ner selon ses lois..., ou il lui donne un nouveau gouvernement..., ou il détruit la société et la disperse dans d'autres, ou enfin il extermine tous les citoyens. La première manière est conforme au droit des gens que nous suivons aujourd'hui; la quatrième est plus conforme au droit des gens des Romains.... Nous sommes devenus meilleurs ; il faut rendre ici hommage à nos temps mo- dernes, etc. » (Page 155, liv. X, chap. m.)

Hélas! de quels temps modernes parlez-vous? Le xvr siècle en est- il? Songez -vous aux douze millions d'hommes sans défense égorgés en Amérique? Est-ce le siècle présent que vous louez? Comptez-vous parmi les usages modérés de la victoire les ordres signés Louvois, d'embraser le Palatinat et de noyer la Hollande?

Pour les Romains, quoiqu'ils aient été quelquefois cruels, ils ont été plus souvent généreux. Je ne connais guère que deux peuples considérables qu'ils aient exterminés, les Véiens et les Carthaginois. Leur grande maxime était de s'incorporer les autres nations, au lieu de les détruire. Ils fondèrent partout des colonies, établirent partout les arts et les h)is ; ils civilisèrent les Barbares, et, donnant enfin le titre de citoyens romains aux peuples sub- jugués, ils firent de l'univers connu un peuple de Romains. Voyez comment le sénat traita les sujets du grand roi Persée, vaincus et faits prisonniers par Paul-Émile ; il leur rendit leurs terres, et leur remit la moitié des impots,

H y eut, sans doute, parmi les sénateurs qui gouvernèrent les provinces, des brigands qui les rançonnèrent ; mais si l'on vit des Verres, on vit aussi des Cicéron, et le sénat de Rome mérita longtemps ce que dit Virgile ^ :

Tu regere iraperio populos, Romane, mémento,

des avantages qu'elle eût dû retirer de ses colonies. Montesquieu n'avait aucune connaissance des principes politiques relatifs à la richesse, aux manufactures, aux finances, au commerce. Ces principes n'étaient point encoi'e découverts, ou du moins n'avaient jamais été développés; et le caractère de son génie ne le rendait pas propre aux recheixhes qui exigent une longue méditation, une analyse rigou- reuse et suivie. II lui eût été aussi impossible de faire le Traité des richesses de Smith que les Principes mathématiques de Newton. Nul homme n'a tous les talents : ce que ne veulent jamais comprendre ni les enthousiastes ni les panégy- ristes. (K.)

1. .mn., VI, 831.

30. — Mélanges. IX. 28

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