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428 COMMENTAIRE

XXX.

(( En Turquie on termine proniptement toutes les disputes. La manière de les finir est indifférente, pourvu qu'on finisse. Le baclia, d'abord éclairci, fait distribuer à sa fantaisie des coups de bâton sur Ja plante des pieds des plaideurs, et les renvoie chez eux, » (Page 8k, liv. VI, chap. ii.)

Cette plaisanterie serait bonne à la Comédie italienne. Je ne sais si elle est convenable dans un livre de législation ; il ne fau- drait y chercher que la vérité. Il est faux que dans Constanti- nople un hacha se mêle de rendre la justice. C'est comme si on disait qu'un brigadier, un maréchal de camp fait l'office de lieu- tenant civil et de lieutenant criminel. Les cadis sont les premiers juges; ils sont subordonnés aux cadileskers, et les cadileskers au vizir-azem, qui juge lui-même avec les vizirs du banc. L'em- pereur est souvent présent à l'audience, caché derrière une jalousie ; et le vizir-azem, dans les causes importantes, lui de- mande sa décision par un simple billet, sur lequel l'empereur décide en deux mots. Le procès s'instruit sans le moindre bruit, avec la plus grande promptitude. Point d'avocats, encore moins de procureurs et de papier timbré. Chacun plaide sa cause sans oser élever sa voix. Nul procès ne peut durer plus de dix-sept jours. Il reste à savoir si notre chicane, nos plaidoiries si longues, si répétées, si fastidieuses, si insolentes ; ces immenses monceaux de papiers fournis par ces harpies de procureurs, ces taxes rui- neuses imposées sur toutes les pièces qu'il faut timbrer et pro- duire, tant de lois contradictoires, tant de labyrinthes qui éter- nisent chez nous les procès ; si, dis-je, cet effroyable chaos vaut mieux que la jurisprudence des Turcs, fondée sur le sens com- mun, l'équité, et la promptitude. C'était à corriger nos lois que Montesquieu devait consacrer son ouvrage, et non à railler l'em- pereur d'Orient, le grand-vizir, et le divan ^

��tyrannie. On prit les mœurs pour prétexte; on profita de la haine naturelle du peuple pour les riches. La crainte d'être dégradé par le censeur doit être d'autant plus terrible qu'on est plus sensible à l'honneur, aux distinctions, aux préroga- tives. Des hommes guidés par la vertu riraient des jugements des censeurs, et emploieraient leur éloquence à faire abolir cet établissement ridicule. (K.)

1. Quand les lois sont très-simples, il n'y a guère de procès où l'une des deux parties ne soit évidemment un fripon, parce que les discussions roulent sur des faits, et non sur le droit. Voilà pourquoi on fait dans l'Orient un si grand usage des témoins dans les affaires civiles, et qu'on distribue quelquefois des coups de bâton aux plaideurs, et aux témoins qui en ont impose à la justice. (K.)

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