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SUR L'ESPRIT DES LOIS. i\\

��IV.

��« Autant que le pouvoir du clergé est dangereux dans une république, autant est-il convenable dans une monarchie, sur- tout dans celles qui vont au despotisme. Où en seraient l'Espagne et le Portugal depuis la perte de leurs lois, sans ce pouvoir qui arrête seul la puissance arbitraire? Barrière toujours bonne lors- qu'il n'y en a point d'autre : car, comme le despotisme cause à la nature humaine des maux efTroyables, le mal même qui le limite est un bien. » (Liv. II, chap. iv.)

On voit que dès l'abord l'auteur ne met pas une grande dilTé- rence entre la monarchie et le despotisme : ce sont deux frères i--^ qui ont tant de ressemblance qu'on les prend souvent l'un pour l'autre. Avouons que ce furent de tous temps deux gros chats à l^' qui les rats essayèrent de pendre une sonnette au cou. Je ne sais si les prêtres ont posé cette sonnette, ou s'il aurait plutôt fallu en attacher une aux prêtres; tout ce que je sais, c'est qu'avant Ferdinand et Isabelle il n'y avait point d'Inquisition en Espagne. Cette habile Isabelle, ce plus habile Ferdinand, firent leurs marchés avec l'Inquisition ; autant en firent leurs succes- seurs pour être plus puissants, Philippe II et les prêtres inquisi- teurs partagèrent toujours les dépouilles. Cette Inquisition, si abhorrée dans l'Europe, devait-elle être chère à l'auteur des Z-e?;res persanes ?

Il se fait ici une règle générale que les prêtres sont en tout temps et en tous lieux les correcteurs des princes. Je ne conseil- lerais pas à un homme qui se mêlerait d'instruire de poser ainsi des règles générales. A peine a-t-il établi un principe, l'his- toire s'ouvre devant lui, et lui montre cent exemples contraires.

Dit-il que les évêques sont le soutien des rois, vient un cardi- nal de Retz, viennent des primats de Pologne et des évêques de Rome, et une foule d'autre prélats, à remonter jusqu'à Samuel, qui forment de terribles arguments contre sa thèse.

Dit-il que les évêques sont les sages précepteurs des princes, on lui montre aussitôt un cardinal Dubois, qui n'en a été que le Mercure.

Avance-t-il que les femmes ne sont pas propres au gouverne- ment, il est démenti depuis Tomyris jusqu'à nos jours \

Mais continuons à nous éclairer avec l'Esprit des Lois^.

1. Ceci est une flatterie pour Catherine II, alors impératrice de Russie. (B.)

2, Le clergé a du crédit à Constantinople au moins autant qu'en Espagne. A

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