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398 ARTICLES EXTRAITS

térieur domestique de la reine d'Espagne. Le rédacteur produit des lettres de famille qui piquent la curiosité. Ces lettres forment des recueils de tracasseries : on voit des rois et des reines à leur toilette, dans leur lit, à leur garde-robe, tandis que le prince Eugène bat le maréchal de Villeroi à Cliiari, tandis que les batailles d'Hochstedt, de Turin, de Ramillies, font couler le sang et les larmes dans toutes les familles de France, et que l'État est dans une désolation aussi affreuse que sous Philippe de Valois, Jean, et Charles VI. Les Mémoires dont nous rendons compte ne parlent guère de ces horribles désastres consignés dans les grandes histoires. On tous fait lire des lettres de la princesse des Ursins et d'un gentilhomme de la Manche, nommé Louville; l'étiquette du palais tient plus de place que les batailles de Sara- gosse et d'Almanza. Ces minuties royales sont chères à qui- conque cherche un amusement dans la lecture : on est bien aise de voir les confidences que la princesse des Ursins fait à la ma- réchale, mère d'Adrien de Noailles : « Dites, je vous supplie, que c'est moi qui ai l'honneur de prendre la robe de chambre et le pot de chambre, etc., etc., » pages 172, 173, tome II. Les gens qui voudront apprendre les secrets de la cour dans ces Mémoires ne sauront pas encore tout. La princesse des Ursins n'y appelle pas les choses par leur nom. La robe de chambre de Philippe Vêtait un vieux manteau court qui avait servi à Charles II ; Tépée du roi était un poignard qu'on posait derrière son chevet ; la lampe était enfermée dans une lanterne sourde ; ses pantoufles étaient des souliers sans oreilles. C'était l'ancienne étiquette religieuse- ment observée ; on remporta une victoire en la changeant. L'af- faire de donner à la reine un confesseur et un cuisinier français fut encore plus longue et plus sérieuse. Plusieurs membres du conseil qu'on nomme le despacho voulaient un cuisinier et un confesseur savoyards ; la faction française prétendait que tout devait venir de Versailles. Il y avait une autre dispute sur le perruquier du roi. On l'avait fait venir de Paris; les barbiers espagnols ne savaient pas encore faire une perruque ; mais on craignait que le barbier français ne mît dans les siennes des che- veux tirés de la tête d'un roturier, et un roi d'Esi>agne ne devait être coiffé que des cheveux de gentilhomme.

Quant aux cuisiniers, on craignait ceux d'Italie, parce qu'on avait appris par une lettre anonyme que le prince Eugène pro- posait d'empoisonner le roi d'Espagne. Cette calomnie aussi ridi- cule que honteuse, ne laissa pas d'être examinée sérieusement : elle fait souvenir des impostures plus extravagantes encore qu'on

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