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390 ARTICLES EXTRAITS

de cet ouvrage, nous commencerions par le prier de réformer son titre, parce que les personnes moins instruites que lui pour- ront croire que la véritable histoire des fables est précisément la véritable histoire des mensonges. Toute fable est mensonge, en effet, excepté les fables morales, qui sont des leçons allégoriques, telles que celles de Pilpay, et de Lokman, si connu dans notre Europe sous le nom d'Ésope.

Quoi qu'il en soit, le savant auteur, dans son discours préli- minaire, intitulé Plan de l'ouvrage, nous avertit qu'un ancien écrivain juif, dont on n'a point les écrits, dit qu'avant les rois de Perse quelqu'un avait traduit autrefois une petite partie de la Genèse. 11 ne nous dit pas en quel temps et en quelle langue cette traduction fut faite. Il cite aussi le prophète Joël, qui reproche aux Tyriens d'avoir volé quelques ustensiles sacrés à Jérusalem. et d'avoir fait esclaves plusieurs enfants de Juda qu'ils ont em- menés en pays lointain.

M. Guérin Durocher suppose que ces esclaves ainsi transplan- tés ont pu traduire la Genèse dans la langue des peuples chez qui ils ont demeuré, et faire connaître .Moïse et ses prodiges à ces étrangers ; que ces étrangers ont pu apprendre par cœur les étonnantes actions de Moïse ; qu'ils ont pu ensuite les attribuer à leurs princes, à leurs héros, à leurs demi-dieux ; qu'ils ont pu faire de Moïse leur Bacchus ; de Loth, leur Orphée ; d'Edith, femme de Loth, leur Euiydice; qu'il y avait un roi nommé Nanaeus, qui pourrait bien être Noé ; qu'il y a surtout grande apparence que Sésostris n'est autre chose que le Joseph des Hébreux. Mais M. Guérin ayant prouvé que Joseph a pu être Sésostris, prouve ensuite que Sésostris a pu être Jacob ; et qu'ainsi il est très-possible que les Juifs aient enseigné la terre entière.

C'est ce qu'avait déjà fait le docte Huet, évêque d'Avranches, dans sa Démonstration évangélique, écrite en latin et enrichie de citations grecques, chaldaïques, hébraïques, pour servir à l'édu- cation de Monseigneur le dauphin, iîls de Louis XIV.

Huet fait voir, dans son chapitre iv, que Moïse était un pro- fond géomètre, un astronome exact, l'instituteur de toutes les sciences et de tous les rites; qu'il est le même qu"Ori)hée et qu'Amphion; que c'est lui qu'on a pris pour Mercure, pour Séra- pis, pour Minos, pour Adonis, pour Priape.

Cette démonstration du prélat Huet n'a pas paru bien claire aux hommes de bon sens. Nous espérons que celle de M, Guérin Durocher ivussira davantage, quoiqu'il ne soit que simple prêtre.

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