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358 LETTRE

notre Seigneur en la plaine de Veximel ; et fut Dieu un sire ap- pelé seigneur Nicole dom Neuf-Chastel, curé de Saint-Victour de Metz, lequel fût presque mort en croix s'il ne fût été secouru; et convint qu'un autre prêtre fût mis en la croix pour parfaire le personnage du crucifiement pour ce jour ; et le lendemain ledit curé de Saint-Victour parfit la résurrection, et fit très-hautement son personnage, et dura ledit jeu jusqu'à nuit; et autre prêtre qui s'appelait maître Jean de Nicey, qui était chapelain de Métrange, fut Judas, lequel fut presque mort en pendant, car le cœur lui faillit, et fut hien hâtivement dépendu et porté en voie; et était la gueule d'enfer très-hien faite avec deux gros culs d'a- cier; et elle ouvrait et clouait quand les diables y voulaient entrer et sortir. »

Dans le même temps des troupes ambulantes jouaient les mêmes farces en Provence; mais les confrères de la Passion s'établissaient à Paris dans des lieux fermés. On sait assez que ces confrères achetèrent l'hôtel des ducs de Bourgogne, et y jouèrent leurs pieuses extravagances.

Les Anglais copièrent ces divertissements grossiers et barbares. Les ténèbres de l'ignorance couvraient l'Europe ; tout le monde cherchait le plaisir, et on ne pouvait en trouver d'honnêtes. On voit dans une édition de Shakespeare, à la suite de Richard III, qu'ils jouaient des miracles on plein champ, sur des théâtres de gazon de cinquante pieds de diamètre. Le diable y paraissait ton- dant les soies de ses cochons, et de là vint le proverbe anglais : Grand cri et peu de laine.

Dès le temps de Henri VII il y eut un théâtre permanent établi à Londres, qui subsiste encore. Il était très on vogue dans la jeunesse de Shakespeare, puisque, dans son éloge, ou le loue d'avoir gardé les chevaux des curieux à la porte : il n'a donc point inventé l'art théâtral, il l'a cultivé avec de très-grands succès. C'est à vous, messieurs, qui connaissez Polyeuctc etAthalie, à voir si c'est lui qui l'a perfectionné.

Le traducteur s'olTorce d'immoler la France à l'Angleterre dans un ouvrage qu'il dédie au roi de France, et pour lequel il a obtenu des souscriptions de notre reine et de nos princesses. Aucun de nos compatriotes dont les pièces sont traduites et repré- sentées chez toutes les nations de l'Europe, et chez les Anglais même, n'est cité dans sa préface de cent trente pages. Le nom du grand Corneille ne s'y trouve pas une seule fois.

Si le traducteur est secrétaire de la librairie de Paris, pour- quoi n'écrit-il que pour une librairie étrangère ? Pourquoi veut-il

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