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la pâque juive. Ils ont élevé de longues disputes, et fait de grandes recherches sur la nature de ces ténèbres. On a cité les livres apocryphes de saint Denys l’aréopagite[1], et un passage des livres de Phlégon rapporté par Eusèbe. Voici ce texte de Phlégon :

« Il y eut, la quatrième année de la deux-cent-deuxieme olympiade, la plus grande éclipse qui fût jamais : il y fut nuit à la sixieme heure ; on voyait les étoiles. »

Les savants remarquèrent que le supplice de Jésus n’arriva point cette année ; et que l’éclipse de Phlégon, qui n’était point centrale, arriva au mois de novembre : ce qui ne peut en aucune maniere s’accorder avec le supplice de Jésus, qui est de la pleine-lune de mars.

Ils remarquerent aussi que, selon saint Jean, Jésus fut condamné à la sixieme heure, et que, selon saint Marc, il fut mis en croix à la troisieme : ce qui redoublerait encore la difficulté.

Ne nous enfonçons point dans cet abyme plus ténébreux que l’éclipse de Phlégon. Contentons-nous d’être soumis de cœur et d’esprit. Soyons persuadés qu’une bonne œuvre vaut mieux que toute cette science.

XIX. Καὶ τοῦτο εἰπὼν, ἐνεφύσησε, ϰαὶ λέγει αὐτοις· Λάϐετε Πνεῦμα Ἅγιον.

Comme il eut dit cela, il souffla sur eux, et leur dit recevez le saint esprit. (Jean, chap. xv, v. 22.)

Ces mots, Il souffla sur eux ont donné lieu à bien des recherches. On prétendait, dans les anciennes théurgies, que le souffle était nécessaire pour opérer, et qu’il pouvait communiquer des affections de l’ame. Cette idée même était si commune, que l’auteur sacré de la genese se sert de ces expressions : « Dieu lui souffla un souffle de vie dans les narines » (selon l’hébreu). Isaïe dit : le souffle du seigneur a soufflé sur lui. Ézéchiel dit : je soufflerai dans ma fureur. L’auteur de la sagesse : celui qui lui a soufflé l’esprit.

Avant le temps de Constantin on eut la coutume de souffler sur le visage et sur les oreilles des catéchumenes qu’on allait baptiser ; et par ce souffle on fesait passer dans eux l’esprit de la grâce.

Comme il n’est rien de si innocent et de si saint dont la folie des hommes n’abuse, il arriva que ceux d’entre les mauvais chré-

  1. Voyez tome XVIII, page 338.