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il ne prétend point enseigner la philosophie. Il en est de-même de Jésus.

Mais, disent les critiques ; si Jésus ne voulait pas apprendre aux hommes les vérités physiques, il ne devait pas au moins confirmer les hommes dans leurs erreurs ; il n’avait qu’à n’en point parler : un homme divin ne doit tromper personne, même dans les choses les plus inutiles. La question alors se réduit à savoir ce que Jésus devait dire et taire. Ce n’est pas certainement à nous d’en décider. Et nous taire est notre devoir.

XVI. Αὔτη δέ ἐστιν ἡ αἰώνιος ζωὴ, ἴνα γινώσϰωσί σε τὸν μόνον ἀληθινὸν Θεὸν, καὶ ὂν ἀπέστειλας Ἰησοῦν Χριστὸν.

La vie éternelle est de connaître le seul vrai Dieu, et son apôtre Jésus-Christ. (Jean, chap. xvii, v. 3.)

Selon la loi que nous nous sommes faite de ne parler que de l’historique, nous dirons que c’est-là un des principaux passages qui produisirent les fameuses disputes entre les Arius, les Eusebe et les Athanase : disputes qui divisent encore sourdement la savante Angleterre et plusieurs autres pays. On prétendit que ce passage annonce manifestement l’unité de Dieu, et qu’il dit clairement que Jésus est un simple homme envoyé de Dieu. On fortifia encore ce verset par celui de saint Jean, chap 20 [v. 17] : « Je monte vers mon pere et votre pere, vers mon dieu et votre dieu. » Et encore plus par celui-ci, « Pater autem major me est » : mon pere est plus grand que moi. » Saint Jean, chap. xiv 28. Et cet autre encore : « Nul ne le sait que le père[1]… » Enfin on éluda les autres passages qui présentaient un sens différent.

Les eusébiens ou arriens écrivirent beaucoup pour persuader, au bout de trois cents ans, qu’il n’était pas possible de croire Jésus consubstantiel à Dieu, après ces aveux formels de Jésus lui-même ; et l’on sait quelles guerres furent allumées par ces querelles.

Il parut que d’abord les chrétiens ne reconnurent pas Jésus pour Dieu dans le premier siecle de l’église, et que le voile qui couvrait sa divinité ne fut levé que par degrés aux faibles yeux des hommes, qui auraient pu être éblouis d’un subit éclat de lumiere.

Les adorateurs de Jésus, qui niaient sa divinité, s’appuyerent sur les épitres de saint Paul. Ils avaient toujours à la bouche, et dans leurs écrits, ces épitres aux juifs romains, dans lesquelles il les exhorte à être bons juifs, et leur dit expressément : le don

  1. Matthieu, xxiv, 36.