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Saint Pierre, dans sa première Épitre, dit en propres mots : « l’Évangile a été prêché aux morts : la fin du monde approche. »

St Jude dit[1] : « Voilà le seigneur avec des milliers de saints pour juger les hommes. »

Cette idée de la fin du monde, d’une nouvelle terre, et de nouveaux cieux, fut tellement enracinée dans la tête des premiers chrétiens qu’ils assurent que la nouvelle Jérusalem était déjà descendue du ciel pendant quarante nuits, et qu’enfin Tertullien la vit lui-même. Enfin on fit des vers grecs acrostiches, imputés à une sibylle, dans lesquels la Jérusalem nouvelle était prédite.

C’est là ce qui a tant enhardi les critiques et les incrédules : ils n’ont jamais voulu comprendre le véritable sens caché de Jésus-Christ et des apôtres ; et ils ont pris à la lettre ce qui n’est qu’une figure. Il est vrai qu’il y eut dans ces premiers siècles de notre église une infinité de fraudes pieuses ; mais elles n’ont fait aucun tort aux vérités pieuses qui nous ont été annoncées.

XV. Ἀμὴν ἀμὴν, λέγω ὑμῖν· ἐὰν μὴ ὁ ϰόϰϰος τοῦ σίτου πεσὼν εἰς τὴν γῆν ἀποθάνῃ, αὐτὸς μόνος μένει· ἐὰν δὲ ἀποθάνῃ, πολὺν ϰαρπὸν φέρει.

En vérité, en vérité, je vous le dis : si le grain de froment jeté dans la terre ne meurt ; il reste inutile ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. ( Jean, ch. XII, v. 24.)

Les critiques prétendent que Jésus et tous ses disciples ont toujours ignoré la maniere dont toutes les semences germent dans la terre. Ils ne peuvent souffrir que celui qui est venu enseigner les autres ne sache pas ce que les enfants savent aujourd’hui. Ils méprisent sa doctrine, parce qu’il se conformait à l’erreur alors universelle, que les graines doivent pourrir en terre pour lever ; et ils soutiennent que Dieu ne peut être venu parmi nous pour débiter des absurdités reconnues. Mais on a déjà remarqué[2] que Jésus n’a pas prétendu nous enseigner la physique. Tout l’ancien testament se conforme à l’ignorance et à la grossièreté du peuple pour lequel il fut fait. Les serpens y sont les plus subtils des animaux ; on les enchante par la musique ; on explique les songes ; on chasse les diables avec de la fumée ; les ombres apparaissent ; l’atmosphère a des cataractes, etc… l’auteur sacré suit en tout les préjugés vulgaires ;

  1. Verset 14.
  2. Tome XXV, page 365 ; et ci-dessus, pages 4 et 18.