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par-là sous-entendu le Phlégéton brûlant et les flammes du Tartare. Quand on veut se prévaloir de la décision d’un législateur, il faut que cette décision soit précise et claire. Si l’auteur du pentateuque avait voulu annoncer que l’ame est une substance immatérielle, unie au corps, laquelle ressusciterait avec ce corps et serait éternellement punie de ses péchés avec ce corps dans les enfers, il eût fallu le dire en propres mots. Or aucun auteur juif ne l’a dit avant les pharisiens ; et encore aucun pharisien ne l’a dit expressément. Donc il était très-permis aux saducéens de n’en rien croire. Ces saducéens avaient sans doute des mœurs irréprochables, puisque nos évangiles ne rapportent aucune parole de Jesus-Christ contre eux, non plus que contre les esséniens, dont la vertu était encore plus épurée et plus respectable.

ESSÉNIENS.

les esséniens étaient précisément ce que sont aujourd’hui les dunkars en Pensylvanie, des especes de religieux, dont quelques-uns étaient mariés. Volontairement asservis à des regles rigoureuses, vivant tous en commun entre eux soit dans des villes, soit dans des déserts, partageant leur temps entre la priere et le travail, ayant banni l’esprit de propriété, ne communiquant qu’avec leurs freres, et fuyant le reste des hommes. C’est d’eux que Pline le naturaliste a dit, nation éternelle dans laquelle il ne naît personne . Il croyait qu’ils ne se mariaient jamais ; et en cela seul il se trompait. Il est beau qu’il se soit formé une société si pure et si sainte dans une nation telle que la juive, presque toujours en guerre avec ses voisins ou avec elle-même, opprimante ou opprimée, toujours ambitieuse et souvent esclave, passant rapidement du culte d’un dieu à un autre, et souillée de tous les crimes, dont leur propre histoire fait un aveu si formel. La religion des esséniens, quoique juive, tenait quelque chose des perses. Ils révéraient le soleil soit comme Dieu, soit comme le plus bel ouvrage de Dieu, et ils craignaient de souiller ses rayons en satisfaisant aux besoins de la nature. Leur croyance sur les ames leur était particuliere. Les âmes, selon eux, étaient des êtres aériens, qu’un attrait invincible attirait dans les corps organisés. Elles allaient au sortir de leur