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et Hircan, qui se disputaient la qualité de grand-prêtre, vinrent plaider leur cause devant Pompée pendant sa marche. Il allait prononcer, lorsqu’Aristobule s’enfuit. Pompée irrité alla assiéger Jérusalem. Nous avons déjà observé que l’assiette en est forte. Elle pourrait être une des meilleures places de l’orient entre les mains d’un ingénieur habile. Du moins le temple, qui était la véritable citadelle, pourrait devenir inexpugnable, étant bâti sur la cime d’une montagne escarpée entourée de précipices. Pompée fut obligé de consumer près de trois mois à préparer et à faire mouvoir ses machines de guerre ; mais dès qu’elles purent agir, il entra dans cette forteresse par la breche. Un fils du dictateur Sylla y monta le premier ; et pour rendre cette journée plus mémorable, ce fut sous le consulat de Cicéron. Joseph dit qu’on tua douze mille juifs dans le temple. Nous le croirions, s’il n’avait pas toujours exagéré. Nous ne pouvons le croire quand il dit qu’on y trouva deux mille talents d’argent, et qu’on en tira dix mille de la ville : car enfin ce temple ayant été pris tant de fois si aisément, et tant de fois pillé et saccagé, il était impossible qu’on y gardât deux mille talents, qui feraient douze millions ; et encore plus extravagant qu’on taxât un si petit pays, si épuisé et si pauvre, à dix mille talents, soixante millions de livres. C’est à quoi ne pensent pas ceux qui lisent sans examen et à l’avanture, ainsi que tant d’auteurs ont écrit. Un homme sensé leve les épaules, quand il sait qu’Alexandre ne put ramasser que trente talents pour aller combattre Darius, et qu’il voit douze mille talents dans les caisses des juifs, outre trois mille dans le tombeau de David. Il est certain que Pompée ne prit rien pour lui, et qu’il ne fit payer aux juifs que les fraix de la guerre. Ciceron loue ce désintéressement. Mais Rollin dit[1], que rien ne réussit depuis à Pompée, à cause de la curiosité sacrilege qu’il avait eue de voir le sanctuaire du temple juif . Rollin ne songe pas que Pompée ne pouvait guere savoir s’il était défendu d’entrer là ; que la défense pouvait être pour les juifs et non pour Pompée ; que les charpentiers, les menusiers, les autres ouvriers, y entraient quand il y avait quelques réparations à faire. On pourrait ajouter, que c’était autrefois l’arche qui rendait ce lieu sacré, et que cette arche était perdue depuis Nabucodonosor. César serait entré tout comme Pompée dans cet endroit de trente pieds de long. Si Pompée fut malheureux à la bataille de Pharsale, il se peut que

  1. Histoire romaine, livre XLI.