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Or, en ce temps, il y avait des géants sur la terre[1] : car les fils de Dieu ayant commerce avec les filles des hommes, elle « enfantèrent ces géants fameux dans le siècle…

Dieu se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre ; et, pénétré de douleur dans son cœur, il dit : J’exterminerai de la face de la terre l’homme que j’ai formé, depuis l’homme jusqu’aux animaux, depuis les reptiles jusqu’aux oiseaux, car je me repens de les avoir faits[2].

Mais Noé trouva grâce devant le Seigneur… Il dit à Noé : La fin de toute chair est venue devant moi ; la terre est remplie des iniquités de leur face, et je les perdrai avec la terre. Fais-toi une arche… et voici comme tu la feras : elle aura trois cents coudées de long, cinquante de large, et trente de haut, etc[3]

Et je ferai venir sur la terre les eaux du déluge, et je tuerai toute chair qui a souffle de vie sous le ciel : je ferai alliance avec toi, et tu entreras dans l’arche, toi, ta femme, et les enfants de tes fils…

  1. Les filles eurent donc ces géants de leur commerce avec les anges. On ne nous dit point de quelle taille étaient ces géants. On nous rapporte que Sertorius trouva le corps du géant Anthée, qui était long de quatre-vingt-dix pieds. Le R. P. dom Calmet nous instruit qu’on trouva de son temps le corps du géant Teutobocus ; mais sa taille n’approchait pas de celle du géant Anthée ; celle du géant Og était aussi très-médiocre en comparaison : son lit n’était que de treize pieds et demi. (Note de Voltaire.)
  2. Les critiques ont trouvé mauvais que Dieu se repentît ; mais le texte appuie si énergiquement sur ce repentir de Dieu, et sur la douleur dont son cœur fut saisi, qu’il parait trop hardi de ne pas prendre ces expressions à la lettre. Dieu dit expressément qu’il exterminera de la face de la terre les hommes, les animaux, les reptiles, les oiseaux. Cependant il n’est point dit que les animaux eussent péché (Id.)
  3. Bérose le Chaldéen rapporte que l’arche bâtie par le roi Xissutre avait trois mille six cent vingt-cinq pieds de long, et quatorze cent cinquante de largeur ; et qu’il bâtit cette arche par l’ordre des dieux, qui l’avertirent d’une inondation prochaine du Pont-Euxin. Cette arche se reposa sur le mont Ararat comme celle de Noé ; et plusieurs particularités de la conduite de ce roi sont semblables à celles dont la sainte Écriture nous parle. Le roi Xissutre avait plus de monde dans son arche que Noé, lequel n’avait avec lui que sa femme, ses trois fils et ses trois belles-filles. M. Le Pelletier, marchand de Rouen*, a supputé, dans un petit livre imprimé avec les Pensées de Pascal, que l’arche pouvait contenir tous les animaux de la terre ; mais il ne les a pas comptés, et il a oublié de dire de quoi on nourrissait la prodigieuse quantité d’animaux carnassiers, et de nous apprendre comment huit personnes purent suffire pendant un an à donner à manger et à boire à tous ces animaux, et à vider leurs excréments.

    Au reste, il y a eu plusieurs inondations sur le globe : celle du temps de Xissutre ; celle du temps de Noé, qui ne fut connue que des Juifs ; celle d’Ogygès et de Deucalion, célèbre chez les Grecs ; celle de l’île Atlantide, dont les Égyptiens tirent mention dans leurs annales. (Id.)

    * Voyez tome XVIII, page 328.