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élisée ramassa le manteau qu’élie avait laissé tomber par terre ; il prit le manteau, il en frappa les eaux du Jourdain ; mais elles ne se diviserent pas. élisée dit : eh bien, où est donc ce dieu d’élie ! Mais en frappant les eaux une seconde fois, elles se diviserent à droite et à gauche ; et élisée passa à pied sec. Or élisée monta delà à Béthel ; et comme il marchait dans le chemin, de petits enfans, étant sortis de la ville, se moquerent de lui en lui disant : monte, monte, chauve. élisée se retournant les anathématisa au nom du seigneur ; et en même temps deux ours sortirent d’un bois, et déchirerent quarante-deux enfants[1]. Or le roi d’Israël, Joram, fils d’Achab, régnant dans Samarie, et le roi Josaphat régnant dans Jérusalem, et un autre roi régnant dans l’Idumée, s’étant joints ensemble contre un roi de Moab, ayant marché par le désert pendant sept jours, et n’ayant d’eau ni pour leur armée ni pour leurs bêtes ; le roi d’Israël Joram dit : hélas ! Hélas ! Le seigneur nous a ici joints trois rois ensemble, pour nous livrer dans les mains de Moab. Le roi Josaphat dit : n’y aurait-il point ici quelque prophete d’Adonaï, pour prier Adonaï ? Un des gens du roi répondit : il y a ici le bouvier élisée, fils de Saphat, lequel était valet d’élie. Et Josaphat dit : la parole du seigneur est dans lui. Alors Joram roi de Samarie, Josaphat roi de Jérusalem, et le roi d’édom, allerent trouver élisée[2]. Joram roi de Samarie dit à élisée : dis-nous pourquoi le seigneur a assemblé trois rois pour les livrer aux mains du roi de Moab ? élisée lui répondit : vive Adonaï Sabaoth si je n’avais

  1. si l’histoire de quarante-deux petits garçons était vraie, dit encore Milord Bolingbroke, " élisée ressemblerait à un valet qui vient de faire fortune ; et qui fait punir quiconque lui rit au nez. Quoi, exécrable valet de prêtre, tu ferois dévorer par des ours quarante-deux enfants innocents pour t’avoir appellé chauve ! Heureusement il n’y a point d’ours en Palestine ; ce pays est trop chaud, et il n’y a point de forêt. L’absurdité de ce conte en fait disparaitre l’horreur ". C’est ainsi que s’explique un anglais ; qui avait cet esprit puissant, ce double génie que demandait élisée, mais qui avait aussi double hardiesse. Je n’oserais assurer qu’il n’y ait point d’ours en Galilée ; c’est un pays plein de cavernes, où ces animaux venus de loin, auraient pu se retirer.
  2. c’est toujours Mylord Bolingbroke qui parle. " si on voyait trois rois, l’un papiste et les deux autres protestans, aller chez un capucin pour obtenir de lui de la pluie, que dirait-on d’une pareille imbécillité ? Et si un frere capucin écrivait un pareil conte dans les annales de son ordre, ne conviendrait-on pas de la vérité du proverbe : orgueilleux comme un capucin ". Ces paroles du Lord Bolingbroke ne peuvent faire aucun tort à élisée. On peut dire qu’élisée entendait, qu’un orthodoxe ne doit parler à un hérétique que pour tâcher de le convertir.