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Le seigneur envoya donc Nathan vers David… et Nathan lui dit : tu as fait mourir Urie l’héthéen, et tu lui as pris sa femme ; c’est pourquoi le glaive ne sortira jamais de ta maison dans toute l’éternité, parce que tu m’as méprisé et que tu as pris pour toi la femme d’Urie héthéen ;… je prendrai donc tes femmes à tes yeux ; je les donnerai à un autre, et il marchera avec elles devant les yeux de ce soleil ; car tu as fait la chose secretement, et moi je la ferai ouvertement à la face d’Israël et à la face du soleil… et David dit à Nathan : j’ai péché contre le seigneur. Et Nathan dit à David : ainsi Dieu a transféré ton péché ; et tu ne mourras point ;…[1]. Et l’enfant qu’il avait eu de Bethsabé étant mort, il consola Bethsabé sa femme ; il entra vers elle, et engendra un fils qu’il appella Salomon, et Dieu l’aima…[2]. Or David assembla tout le peuple, et marcha contre Raba,

    que Bethsabé se lava après le coït. On était légalement impur chez les juifs, quand on était mal-propre. C’était un grand acte de religion de se laver ; la négligence et la saleté étaient si particulieres à ce peuple, que la loi l’obligeait à se laver souvent ; et cela s’appellait se sanctifier . Le mariage de Bethsabé, grosse de David, est déclaré nul par plusieurs rabins, et par plusieurs commentateurs. Parmi nous une femme adultère ne peut épouser son amant, assassin de son mari, sans une dispense du pape : c’est ce qui a été décidé par le pape Célestin Trois. Nous ignorons si le pape peut en effet avoir un tel pouvoir ; mais il est certain que chez aucune nation policée il n’est permis d’épouser la veuve de celui qu’on a assassiné. Il y a une autre difficulté : si le mariage de David et de Bethsabé est nul, on ne peut donc dire que Jesus-Christ est descendant légitime de David, comme il est dit dans sa généalogie. Si on décide qu’il en descend légalement, on foule aux pieds la loi de toutes les nations : si le mariage de David et de Bethsabé n’est qu’un nouveau crime, Dieu est donc né de la source la plus impure. Pour échapper à ce triste dilemme, on a recours au repentir de David, qui a tout réparé. Mais en se repentant il a gardé la veuve d’Urie ; donc, malgré son repentir, il a encore agravé son crime : c’est une difficulté nouvelle. La volonté du seigneur suffit pour calmer tous ces doutes, qui s’élevent dans les ames timorées. Tout ce que nous savons, c’est que nous ne devons être ni adulteres, ni homicides, ni épouser les veuves des maris que nous aurions assassinés.

  1. on demande si le prophete Nathan, en parlant au prophete David de ses femmes et de ses concubines, avec lesquelles Absalon son fils coucha sur la terrasse du palais, lui parlait avant ou après cette avanture. Il nous semble que le discours de Nathan précede de quelques années l’affront que fit Absalon à son pere David, en couchant avec toutes ses femmes l’une après l’autre sur la terrasse du palais.
  2. les critiques prétendent que le seigneur ne fut point fâché que David eût épousé la veuve d’Urie, puisqu’il aima tant Salomon, né de David et de cette veuve. Nathan a prévenu cette critique, en disant que Dieu a transféré le péché de David. Ce fut le premier-né sur lequel le péché fut transporté ; cet enfant mourut, et Dieu pardonna à son pere ; mais la menace, de faire coucher toutes ses femmes et toutes ses filles avec un autre sur la terrasse de sa maison, subsista entiérement.