Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais il ne trouva point parmi eux d’aide qui fût semblable à lui.

Le Seigneur Dieu envoya donc un profond sommeil à Adam ; et, lorsqu’il fut endormi, le Seigneur Dieu lui arracba une de ses côtes et mit de la chair à la place[1].

Et le Seigneur Dieu construisit en femme la côte qu’il avait ôtée à Adam, et il la présenta à Adam.

Or Adam et sa femme étaient tout nus, et n’en rougissaient pas[2].

Or le serpent était le plus rusé de tous les animaux de la terre que le Seigneur Dieu avait faits[3].

Et il dit à la femme : Pourquoi Dieu vous a-t-il défendu de manger du bois du jardin ?

    naissant tout d’un coup les propriétés de chaque animal, exprima toutes les propriétés de chaque espèce par un seul mot, de sorte que chaque nom était une définition. Aussi le mot qui répond à cheval devait annoncer un quadrupède avec ses crins, sa queue, son encolure, sa vitesse, sa force. Le mot qui répond à éléphant exprimait sa taille, sa trompe, son intelligence, etc. Il est triste qu’une si belle langue soit entièrement perdue. Plusieurs savants s’occupent à la retrouver. Ils y auront de la peine.

    On a demandé si Adam nomma aussi les poissons. Plusieurs Pères croient qu’il ne nomma que ceux des quatre fleuves du jardin ; mais tous les poissons du monde pouvaient venir par ces quatre fleuves ; les baleines pouvaient arriver de l’Océan par l’embouchure de l’Euphrate. (Note de Voltaire.)

  1. Saint Augustin (de Genesi) croit que Dieu ne rendit point à Adam sa côte, et qu’ainsi Adam eut toujours une côte de moins : c’était apparemment une des fausses côtes, car le manque d’une des côtes principales eût été trop dangereux ; il serait difficile de comprendre comment on arracha une côte à Adam sans qu’il le sentît, si cela ne nous était pas révélé. Il est aisé de voir que cette femme formée de la côte d’un homme est un symbole de l’union qui doit régner dans le mariage : cela n’empêche pas que Dieu ne formât Eve de la côte d’Adam réellement et à la lettre ; un fait allégorique n’en est pas moins un fait. (Id.)
  2. Plusieurs peuplades sont encore sans aucun vêtement. Il est très-probable que le froid fit inventer les habits. Les femmes surtout se firent des ceintures pour recevoir le sang de leurs règles. Quand tout le monde est nu, personne n’a honte de l’être. On ne rougit que par vanité : on craint de montrer une difformité que les autres n’ont pas. ( Id.)
  3. Le serpent passait en effet, du temps de l’auteur sacré, pour un animal très-intelligent et très-fin. Il était le symbole de l’immortalité chez les Égyptiens. Plusieurs pleuplades l’adoraient en Afrique. L’empereur Julien demande quelle langue il parlait. Les chevaux d’Achille parlaient grec ; et le serpent d’Ève devait parler la langue primitive. La conversation de la femme et du serpent n’est point racontée comme une chose surnaturelle et incroyable, comme un miracle, ou comme une allégorie. Nous verrons bientôt une ânesse qui parle ; et nous ne devons point être surpris que les serpents, qui avaient plus d’esprit que les ânes, parlassent encore mieux. On voit les animaux parler dans plusieurs histoires orientales. Le poisson Oannès sortait deux fois par jour de l’Euphrate pour prêcher le peuple. On a recherché si le serpent d’Ève était une couleuvre, ou une vipère, ou un aspic, ou une autre espèce ; mais on n’a aucune lumière sur cette question. (Id.)