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Or Samuel vint à Bethléem selon l’ordre du seigneur ; et les anciens de Bethléem tout surpris lui dirent : viens-tu ici en homme pacifique ? Et il répondit : je viens en pacifique pour immoler au seigneur ; purifiez-vous, et venez avec moi pour que je sacrifie. Samuel purifia donc Isaï et ses enfants, et il les appella au sacrifice… et Samuel dit à Isaï : sont-ce là tous tes enfants ? Isaï lui répondit : il en reste encore un petit qui garde les brebis. Et Samuel dit à Isaï : fais-le venir ; car nous ne nous mettrons à table que quand il sera venu… on l’amena[1] donc. Il était roux et très beau. Et Dieu dit à Samuel : c’est celui-là que tu dois oindre. Samuel prit donc une corne pleine d’huile, et oignit David au milieu de ses freres. Et le soufle du seigneur vint sur David ; et le soufle du seigneur se retira de Saül ; et Dieu envoya à Saül un mauvais esprit…[2].

    pour avoir touché seulement un corps mort, couper un roi en morceaux comme on coupe un poulet à table ! Faire de sa main ce qu’un bourreau tremblerait de faire ! Il n’y a personne que la lecture de ce passage ne pénetre d’horreur. Enfin quand on est revenu du frissonnement qu’on a éprouvé, on est tenté de croire que cette abomination est impossible ; un vieillard, tel que Samuel, aura eu difficilement la force de hâcher en pieces un homme. Calmet dit que le zele arma Samuel dans cette occasion pour venger la gloire du seigneur

    il
    veut dire apparemment la justice . Peut-être qu’Agag avait mérité la mort ; car quelle gloire peut revenir à Dieu de ce qu’un prêtre coupe un souverain en morceaux ? Nous tremblons en examinant cette barbarie absurde : adorons la providence sans raisonner.

  1. il semble étrange que les habitants de Bethléem demandent à Samuel : viens-tu ici avec un esprit de paix ? Bethléem n’appartenait donc pas à Saül ; et cela est très vraisemblable : car Jérusalem, qui est tout auprès, n’était point à lui. Il y avait donc dans Bethléem des cananéens qui dominaient, et des juifs tributaires. C’est aux juifs pourtant que Samuel s’adressa : purifiez-vous, et venez avec moi . Jamais histoire ne fut plus divine ; mais aussi elle est très obscure aux yeux des hommes.
  2. Calmet observe que c’était une beauté chez les juifs d’être roux, et que l’époux ou l’amant du cantique des cantiques était rousseau. Nous ne sommes pas de cette opinion. L’amant du cantique des cantiques était d’un blanc mêlé de rouge, candidus et rubicundus . Mais le sacre de David est un objet plus important. C’est d’abord une chose remarquable que Dieu parle à Samuel chez le pere de David même, en présence de toute la maison. Il faut croire qu’il lui parlait intérieurement : mais alors comment les assistants pouvaient-ils deviner qu’il avait une mission particuliere et divine ? Tous les juifs devaient savoir que Saül régnait ; parce que Samuel lui avait répandu de l’huile sur la tête. Or quand il en fait autant à David, son pere, sa mere, ses freres et les assistants devaient s’appercevoir qu’il fesoit un roi nouveau, et que par-là il exposait toute la famille à la vengeance de Saül. Il y a là quelque difficulté ; mais elle disparaît, dès qu’on sait que Samuel était inspiré. Boulanger dit qu’il n’y a jamais eu de scene du théâtre italien plus comique,