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Samuel lui dit : le seigneur t’a oint roi sur Israël ; le seigneur t’a mis en voie, et t’a dit, va, tue tous les pécheurs amalécites, et combats jusqu’à-ce que tout soit tué ; pourquoi donc n’as-tu pas tout tué ?[1]. Obéissance, vaut mieux que victime ; il y a de la magie et de l’idolâtrie à ne pas obéir ; ainsi donc, puisque tu as rejetté la parole de Dieu, Dieu te rejette et ne veut plus que tu sois roi…[2]. Et Samuel se retourna pour s’en aller… mais Saül le prit par le haut de son manteau, qu’il déchira. Et Samuel dit : comme tu as déchiré mon manteau, Dieu déchire aujourd’hui le royaume d’Israël, et le donne à un autre qui vaut mieux que toi… Saül lui dit : j’ai péché, mais au moins rends-moi quelque honneur devant les anciens du peuple… Samuel dit : qu’on m’amene Agag roi d’Amalec ; et on lui amena Agag, qui était fort gras et tout tremblant. Et Samuël lui dit : comme ton épée a ravi des enfants à des meres, ainsi ta mere sera sans enfants parmi les femmes. Et il le coupa en morceaux à Galgal…[3].

  1. les déclamations du Lord Bolingbroke sur ce passage sont plus violentes que jamais. Si un prêtre, dit-il, avait été assez insolent et assez fou pour parler ainsi, je ne dis pas à notre roi Guillaume, mais au duc de Marlborough, on l’aurait pendu sur le champ au premier arbre. Samuel, ajoute-t-il, n’est point un prêtre de Dieu, c’est un prêtre du diable. Toutes ces exclamations de tant de critiques partent du même principe ; ils jugent les juifs comme ils jugeraient les autres hommes. pourquoi n’as-tu pas tout tué ? serait ailleurs un discours infernal ; mais ici c’est Dieu qui parle par la bouche de Samuel ; et il est sans doute le maître de punir comme il veut, et quand il veut. Les incrédules insistent : ils disent qu’il n’est que trop vrai qu’on s’est toujours servi du nom de Dieu pour excuser, si l’on pouvait, les crimes des hommes. Ils ont raison quand ils parlent des autres religions ; mais ils ont tort quand il s’agit de la religion juive. Il leur semble absurde que Dieu ordonne qu’on tue toutes les brebis, et tous les ânes ; mais on leur dira toujours que ce n’est pas à eux de juger la providence.
  2. la querelle entre le sceptre et l’encensoir, qui a troublé si longtems tant de nations, est ici bien marquée ; nous ne pouvons en disconvenir. Samuel dit au roi que sa désobéissance aux ordres, que ce prince a reçus de lui de la part de Dieu, est aussi coupable que le serait la magie et l’idolâtrie ; et il déclare à Saül : Dieu ne veut plus que tu regnes. C’est une question épineuse, si Saül devait l’en croire sur sa parole. M Fréret prétend que Saül pouvait lui dire : donne-moi un signe, fais-moi un miracle, pour me prouver que Dieu veut me détrôner, comme tu me donnas un signe quand tu me fis oint ; tu me fis alors retrouver mes ânesses ; fais au moins quelque chose de semblable. Les commentateurs sont d’une autre opinion : ils disent que dès qu’un prophete a donné une fois un signe, il n’est plus obligé d’en donner d’autre.
  3. plusieurs personnes excusent les emportemens du Lord Bolingbroke quand ils lisent ce passage. Un prêtre, un ministre de paix, un homme qui serait souillé