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y était depuis vingt ans, quand la maison d’Israël se reposa après le seigneur. Il arriva que Samuel, étant devenu vieux, établit ses enfans juges sur Israël… mais ils ne se promenerent point dans ses voies ; ils déclinerent vers l’avarice ; ils reçurent des présents ; ils pervertirent la justice[1]. Ainsi donc, tous les anciens d’Israël assemblés vinrent vers Samuel à Ramatha, et lui dirent : voilà que tu es vieux ; tes enfans ne se promenent point dans tes voies ; donne-nous donc un melch, un roitelet , comme en ont tous nos voisins, afin qu’il nous juge. Ce discours déplut dans les yeux de Samuel, parce qu’ils avaient dit, donne-nous un roitelet ; et Samuel pria au seigneur. Et le seigneur lui dit : tu entends la voix de ce peuple qui t’a parlé ; ce n’est point toi qu’il rejette, c’est moi ; ils ne veulent plus que je regne sur eux[2]. C’est ainsi qu’ils ont toujours fait depuis que je les ai tirés d’égypte ; ils m’ont délaissé ; ils ont servi d’autres dieux ; ils t’en font autant. à présent rends-toi à leur voix ; mais apprends-leur, et prédis-leur quels seront les usages de ce roi qui régnera sur eux. Samuel rapporta donc le discours de Dieu au peuple qui lui avait demandé un roi, et lui dit : voyez quel sera l’usage du roi qui vous commandera. Il prendra vos fils pour en faire ses charretiers ; et il en fera des cavaliers ; et il en fera des tribuns et des centurions, et des laboureurs de ses champs, et des moissonneurs de ses bleds, des

  1. il est manifeste que les enfants de Samuel furent aussi corrompus que les enfants d’Héli son prédécesseur : cependant Samuel conserva toujours son pouvoir sur le peuple.
  2. ce peuple lui demande enfin un roi ; et Samuel fait dire expressément à Dieu, ce n’est point toi qu’il rejette, c’est moi . On fait sur cette parole de Dieu une difficulté : il est certain, dit le docteur Arbutnoth, que Dieu pouvait gouverner aussi aisément son peuple par un roi que par un prêtre ; ce roi pouvait lui être aussi subordonné que Samuel ; la théocratie pouvait également subsister. Mr Huet, petit-neveu de l’évêque d’Avranches, que nous connaissons sous le nom de Hut, établi en Angleterre, dit dans son livre intitulé the man after god’s own heart , qu’il est évident que Samuel voulait toujours gouverner ; qu’il fut très fâché de voir que le peuple voulait un roi ; que toute sa conduite dénote un fourbe ambitieux et méchant. Il n’est pas permis d’avoir cette idée d’un prophete, d’un homme de Dieu. M Huet le juge selon nos loix modernes : il le faut juger selon les loix juives, ou plutôt ne le point juger. Nous en parlerons ailleurs.