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ayant donc choisi cinq hommes des plus forts pour servir d’espions et reconnaître le pays, les cinq hommes vinrent à la montagne d’éphraïm... ils entrerent chez Michas, et ayant reconnu le lévite à son accent, ils le prierent de consulter le seigneur pour savoir si leur entreprise serait heureuse. Il leur répondit : allez en paix, le seigneur a regardé votre voie et le voyage que vous faites... donc les cinq espions s’en allerent à Laïs. Ils y virent les habitans qui étaient sans nulle crainte, en repos et en sécurité comme les sidoniens, personne ne leur résistant, extrêmement riches, éloignés de Sidon, et séparés du reste des hommes[1]. Ils revinrent donc vers leurs freres, auxquels ils dirent : montons vers ces gens-là, car la terre est très-riche et très-grasse... il partit donc alors de la tribu de Dan un corps de six cents hommes retroussés en armes belliqueuses... ils passerent en la

    et d’aumoniers. Il prétend avec plusieurs autres, que l’esclavage où les juifs étaient réduits dans la terre de Canaan, n’était pas un esclavage tel que celui qu’on essuie à Maroc et dans les pays d’Alger et de Tunis ; que c’était une espece de main morte ; telle qu’elle a été établie dans toutes les provinces chrétiennes. Il était permis à ces hordes hébraïques de cultiver les terres ; et ils en partageaient les fruits avec leurs maîtres. Ainsi il pouvait y avoir quelques familles riches parmi ces esclaves, qui dans la suite des temps s’emparerent d’une partie du pays, et se firent des chefs que nous nommons rois. La veuve Michas et ses enfans étaient des paysans à leur aise. Il est naturel qu’un lévite pauvre, et n’ayant point de profession, ait couru le pays pour chercher à gagner du pain. Ce jeune lévite était un des esclaves demeurants à Bethléem petit village auprès du village de Jérusalem, dans le pays des jébuséens ; et il est à croire que les hébreux n’avaient jamais eu en ce temps-là aucune terre en propre. Bethléem et Jérusalem sont, comme on sait, le plus mauvais pays de la Judée. Ainsi il n’est pas étonnant que ce lévite allât chercher fortune ailleurs.

  1. il est assez difficile de comprendre comment la horde hébraïque, dispersée et esclave dans ces pays, osoit envoyer des espions à Laïs, qui était une ville appartenante aux sidoniens. Mais enfin la chose est possible. Les esclaves des romains firent de bien plus grandes entreprises sous leur chef et compagnon Spartacus. Les mains-mortables d’Allemagne, de France et d’Angleterre ; prirent plus d’une fois les armes contre ceux qui les avaient asservis. La guerre des paysans d’Allemagne, et sur-tout de Munster, est mémorable dans l’histoire. C’est-là, dit Fréret, le dénouement de toutes les difficultés de l’histoire juive. Les hébreux errerent très long-temps dans la Palestine. Ils furent manœuvres, régisseurs, fermiers, courtiers, possesseurs de terres mains mortables, brigands, tantôt cachés dans des cavernes, tantôt occupant des défilés de montagnes ; et enfin cette vie dure leur ayant donné un tempérament plus robuste qu’à leurs voisins, ils acquirent en propre, par la révolte et par le carnage, le pays où ils n’avaient été d’abord reçus que comme les savoyards qui vont en France, et comme les limousins et les auvergnacs qui vont faire les moissons en Espagne. Cette explication du docte Fréret serait très plausible, si elle n’était pas contraire aux livres saints. L’écriture n’est pas un ouvrage qui puisse être soumis à la raison humaine.