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... Abdon fils d’Hilel de Paraton fut juge d’Israël. Il eut quarante fils, et de ces fils trente petits-fils, qui montaient sur soixante et dix ânons... et les enfans d’Israël firent encore le mal devant le seigneur, et ils furent esclaves des philistins pendant quarante ans... or il y avait un homme de la tribu de Dan nommé Manué, dont la femme était stérile. Et l’ange du seigneur apparut à sa femme et lui dit : tu es stérile, tu concevras, et tu enfanteras un fils : prends garde de ne boire du vin et de la biere ; tu ne mangeras rien d’immonde... le rasoir ne passera point sur la tête de ton fils, car il sera nazaréen de Dieu dès son enfance, et dès le ventre de sa mere... elle enfanta donc un fils, et elle l’appella Samson...[1] ...

    pour la nation juive que Mr Boulanger, excepté peut-être Mylord Bolingbrocke. Nous nous sommes fait une loi de rapporter toutes les objections, sans en rien diminuer, parce que nous sommes sûrs qu’elles ne peuvent faire aucun tort au texte. Nous ne déciderons point dans quel temps l’histoire sacrée de Jephté fut écrite ; il suffit qu’elle soit reconnue pour canonique.

  1. nous voici à cette fameuse histoire de Samson, l’éternel sujet des plaisanteries des incrédules. D’abord ils parlent de cette servitude de quarante années comme des autres. C’est leur continuel argument contre la protection de Dieu accordée à ce peuple, et contre les miracles faits en sa faveur. Jamais, disent-ils, on ne vit rien de plus injurieux à la divinité que de faire son peuple toujours esclave. Et il n’y a pas de plus mauvaise excuse que d’imputer son esclavage à ses péchés ; car ces vainqueurs étaient des idolâtres beaucoup plus pécheurs encore, s’il est possible. On répond que Dieu châtiait ses enfants plus sévérement qu’un autre peuple ; parce qu’ayant plus fait pour eux ils étaient plus criminels. Le rasoir qui ne devait point passer sur la tête de Samson forme une petite difficulté. On ne rasait point les juifs ; ils portaient tous leurs cheveux. On consacrait quelquefois une petite partie de ses cheveux à tous les dieux de l’antiquité. On mettait un peu de ces cheveux sur les tombeaux. Et pour se couper les cheveux il semble qu’il fallait plutôt des ciseaux qu’un rasoir. Cependant, on se rasait entiérement chez presque toutes les nations, quand on venait remercier les dieux d’être échappé d’un grand péril. La plupart de ces coutumes viennent d’égypte, où les prêtres étaient rasés. Les nazaréens chez les juifs ne se rasaient point la tête pendant le temps de leur nazaréat ; mais ils se rasaient le premier jour de cette consécration. Or ici il est dit que Samson ne se rasa jamais. C’était donc une sorte de nazaréat différente de celui qui était en usage. Sa force singuliere pour laquelle il était si renommé, consistait en ses cheveux. L’ancienne fable du cheveu de Nisus roi de Mégare, et de Corneto fille de Ptérélas, est, selon nos critiques, la source dans laquelle une partie de l’histoire de Samson est puisée. Ils croient que le reste est pris de la fable d’Hercule, qui eût autant de force que Samson, et qui succomba comme lui à l’amour des femmes. Le pere Pétau fait naître Hercule douze cents quatre-vingt-neuf ans avant notre ère ; et il ne paraît pas vraisemblable à nos critiques que l’histoire de Samson ait été écrite auparavant. C’est sur quoi ils fondent leur sentiment, que toutes les histoires