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trouvé grace devant toi, donne-moi un signe que c’est toi qui parle à moi ; reste ici jusqu’à ce que je revienne t’apporter un sacrifice. Gédéon, étant donc rentré chez lui, fit cuire un chevreau et des galettes de pain. Il mit le jus dans un pot, et l’apporta sous le chêne. L’ange du seigneur étendit la verge qu’il tenait à sa main ; et un feu sortit de la pierre sur laquelle était le chevreau et les galettes, il consuma tout, et l’ange disparut[1]. ... donc tout le madian, et Amalec, et tous les peuples orientaux s’assemblerent et passerent le Jourdain... mais l’esprit du seigneur remplit Gédéon, qui sonna du cornet et assembla toute la maison d’Abiézer... et Gédéon dit à Dieu : si tu veux sauver Israël par ma main, comme tu l’as dit, je vais mettre une toison dans mon aire ; et si la rosée ne tombe que sur la toison, le reste étant sec, je connaîtrai que tu veux sauver Israël par ma main. Et il fut fait ainsi, car se levant la nuit il pressa sa toison, et il en remplit une tasse de rosée. Il dit encore à Dieu : ne te fâche pas si je demande encore un signe pour gage ; je te prie que la toison seule soit seche, et que la terre d’alentour soit humide. Et Dieu fit cette nuit comme Gédéon avait demandé ; la toison fut seche, et la terre d’alentour fut humide[2]. ... Gédéon entra donc dans le camp des ennemis avec trois cents hommes à la premiere veille ; et ayant éveillé les gardes ils se mirent à sonner du cornet, à casser leurs cruches (dans lesquelles ils avaient mis leurs lampes), et tout le

  1. Vorstius rejette l’histoire de Gédéon, et la croit insérée dans le canon par une main étrangere. Il la déclare indigne de la majesté du peuple de Dieu. Ce n’est pourtant pas à nous à décider de ce qui en est digne. Gédéon ne fait ici que ce que fit Abraham. Dieu donna aussi un signe à Mosé. Dieu donne des signes à presque tous les prophetes juifs. Que ce soit dans un palais ou dans une grange, il n’importe. Dieu gouverna les juifs immédiatement par lui-même ; il leur parla toujours lui-même, soit pour les favoriser soit pour les châtier. Il leur donna toujours des signes lui-même ; il agit toujours lui-même. Il apparaissait toujours en homme. Mais à quoi pouvait-on le reconnaître ?
  2. le curé Jean Mêlier, dans son testament, tourne toute cette histoire en ridicule, et le pot rempli de jus, et l’aire et le pressoir de Gédéon, et ce pauvre homme qui est esclave dans un pays que son grand-pere avait conquis, étant un des six cents mille vainqueurs de la Palestine, et sa défiance quand il est sûr que c’est Dieu-même qui lui parle, et ses discours avec Dieu, et les réponses de Dieu, et la toison tantôt seche, tantôt humide. Tout cela, cependant, n’est pas plus extraordinaire que le reste. Calmet a raison de dire, que si on se révolte contre le merveilleux il faudra se révolter contre toute la bible. C’est pousser les incrédules au pied du mur. Ils ne veulent jamais comprendre que ces temps-là n’ont aucun rapport avec les nôtres.