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sa tunique sur sa cuisse droite... et il dit au roi dans sa chambre d’été, j’ai un mot à vous dire de la part de Dieu. Et le roi se leva de son trône, et Aod ayant porté sa main gauche sur son poignard à son côté droit, le lui enfonça dans le ventre si vigoureusement, que le manche suivit le fer et fut recouvert de la graisse d’églon, qui était fort gras. Et aussi-tôt les excréments du roi, qui étaient dans son ventre, sortirent par en bas...[1]. Aod se sauva pendant que tout le monde était troublé, et il sonna de la trompette sur la montagne d’éphraïm. Les israëlites suivirent Aod, ils se saisirent des gués du Jourdain par où l’on passe au pays des moabites ; et ils en tuerent environ dix mille, et aucun n’échappa[2].

  1. c’est cette aventure si célebre qui a été tant de fois citée chez plus d’un peuple chrétien, et dont on a tant abusé pour exciter les fanatiques au parricide et à l’assassinat des rois. On sait assez que du temps de la ligue en France les prédicateurs criaient en chaire, il nous faut un aod. Grand dieu, donnez-nous un aod ! La sainte église n’aura-t-elle jamais un aod ? On sait comme le moine Jacques Clément fut béatifié, comme on mit son portrait sur l’autel, comme on l’invoqua ; et on en aurait fait autant de Ravaillac, si Henri Iv s’était trouvé dans les mêmes circonstances que Henri Iii. Les romains ont toujours révéré Scévola, qui voulut assassiner leur roi Tarquin. Les athéniens dresserent des statues à Harmodius et à Aristogiton, assassins des enfans de Pisistrate. Henri de Transtamare a été loué des historiens espagnols, pour avoir assassiné son propre frere et son roi légitime désarmé dans sa tente. Philippe Ii, roi d’Espagne donna la noblesse, non seulement de mâle en mâle, mais de fille en fille, à la famille de Baltazar Gérar assassin de Guillaume prince d’Orange. Milton a fait un livre entier pour justifier l’assassinat juridique du roi Charles Premier, et dans ce livre il parcourt tous les meurtres des rois rapportés dans l’histoire sainte et dans l’histoire profane. On peut regarder ce livre comme le dictionnaire des assassinats. Gordon, dans ses notes, est pénétré d’une respectueuse admiration pour l’assassinat de Jules-César, tué en plein sénat par vingt peres-conscrits qu’il avait comblés de biens et d’honneurs. Ces assassins avaient le même prétexte qu’Aod, la liberté. Il n’est point spécifié dans la sainte écriture que Dieu ait ordonné à cet Aod d’aller enfoncer son poignard dans le ventre de son roi. Mais Aod, pour récompense, fut juge du peuple de Dieu. Cet exemple ne peut tirer à conséquence ; un jugement particulier du seigneur ne peut prévaloir contre les loix du genre humain émanées de Dieu même. Aod était inspiré par le seigneur ; et le moine Jacques Clément ne fut inspiré que par la rage du fanatisme.
  2. les moabites ont été détruits par Josué ; et ils reparaissent et reparaîtront encore. Aod en tue dix mille. Il faut remarquer que ce petit pays de Moab ; n’est point situé dans le Canaan propre, mais fort loin dans le désert de Syrie ; qu’il n’y a jamais eu dans ce désert qu’une très-petite horde d’arabes vagabonds ; que jamais il n’y eut ni ville, ni habitation fixe ; que le pays n’est qu’un sable stérile, que ce n’est qu’un passage pour aller vers Damas.