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Puis Juda et Siméon son frere rencontrerent le roi Adonibézec dans Bézec ; ils le prirent et lui couperent les mains et les pieds. Alors Adonibézec dit : j’ai fait couper les mains et les pieds à soixante et dix rois qui mangeaient sous ma table les restes de mon dîné, Dieu m’a traité comme j’ai traité tous ces rois[1]. Dieu était avec Juda, et il se rendit maitre des montagnes ; mais il ne put vaincre les habitans des vallées, parce qu’ils avaient des chariots de guerre armés de faulx[2]. Les enfans d’Israël habiterent donc au milieu des cananéens, des héthéens, des amorrhéens, des phéréséens, des hévéens et des jébuséens. Ils épouserent leurs filles, et firent le mal aux yeux du seigneur, et ils adorerent Baal et Astaroth[3].

    quelques-uns avaient échappé, puisqu’n voilà dix mille que Dieu donne tuer à Juda. On dispute si c’est à un capitaine nommé Juda, ou à la tribu de ce nom; mais capitaine ou tribu, c’est une victoire de surérogation; 5note de Voltaire.)

  1. le lecteur croirait encore peut-être qu’il suffisait de trente et un rois pendus ; mais en voilà encore soixante et dix non moins maltraités dans un pays de sept à huit lieues ; car il paraît, par les autres endroits du texte, que le peuple juif n’en possédait pas alors davantage. On demande comment le roi Adonibézec, dont on ignore le royaume, pouvait avoir sous sa table soixante et dix rois qui mangeaient sans mains. De plus il fallait que cette table eût au moins six vingts pieds de long. Enfin les critiques trouvent ici cent et un rois dans un pays un peu serré. Chaque roi ne pouvait avoir un royaume d’un demi quart de lieue. Ce sont des critiques frivoles, et des détails qui ne touchent point au fond des choses toujours très-respectables.
  2. les savants critiques ont élevé une grande dispute sur ce fameux passage. La plupart ont assuré qu’il est impossible de faire manœuvrer des chariots de guerre dans ce pays, tout couvert de montagnes et de cailloux. Secondement ils disent que le pays ne nourrissait point de chevaux ; et ils en aportent pour preuve tous les endroits de l’écriture où il est raconté que la plus grande magnificence était de monter sur de beaux ânes. Et jusqu’au temps des rois on voit que Saül courait après les ânesses de son pere quand il fut couronné. Troisiemement, il n’est point dit que ces peuples, cachés dans leurs montagnes et dans leurs cavernes, eussent jamais fait la guerre à personne avant que les israélites vinssent mettre tout leur pays à feu et à sang ; par conséquent ils ne pouvaient avoir des chariots de fer armés en guerre. Ces chariots ne furent inventés que dans les grandes plaines qui sont vers l’Euphrate. Ce sont les babyloniens et les persans qui mirent cette invention en pratique deux ou trois siecles après Josué. Quatriemement, on reproche à l’auteur sacré d’avoir laissé entendre que le seigneur pouvait beaucoup sur les montagnes, mais qu’il ne pouvait rien dans les vallées, et que les juifs ne regardaient leur dieu que comme un dieu local, comme le dieu d’un certain district, n’ayant aucun crédit sur celui des autres ; semblable en cela à la plupart des dieux des autres nations. Mais le dieu du ciel et de la terre s’était choisi, selon tous les interpretes, un peuple particulier, et un lieu particulier pour y exercer justice et miséricorde.
  3. les critiques ne comprennent pas comment, tous les cananéens ayant été exterminés par une armée de six cents mille israélites, et tout ayant été passé au