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ANCIEN TESTAMENT.
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GENÈSE.


Du commencement les dieux fit[1] le ciel et la terre : or la terre était tohu bohu[2], et le vent de Dieu courait sur les eaux.

Et Dieu dit : Que la lumière se fasse, et la lumière fut faite[3]. Il vit que la lumière était bonne. Et il divisa la lumière des ténèbres. Il fit un soir et un matin, qui fit un jour.

  1. Le texte hébreu, c’est-à-dire phénicien, syriaque, porte expressément : les dieux fit, et non pas : Dieu créa : Deus creavit, comme le porte la Vulgate. C’est une phrase commune aux langues orientales, et souvent les Grecs ont employé ce trope, cette figure de mots. (Note de Voltaire.)
  2. Tohu bohu signifie à la lettre sens dessus dessous. C’est proprement le Chaut-ereb de Sanchoniathon le Phénicien, dont les Grecs prirent leur Chaos et leur Érèbe. Sanchoniathon écrivit incontestablement avant le temps où l’on place Moïse.

    On ne voit pas de chaos expressément marqué chez les Persans ; les Égyptiens semblent ne l’avoir pas connu ; les Indiens encore moins. Il n’y a rien dans les écrits chinois venus jusqu’à nous qui ait le moindre rapport à ce chaos, à son débrouillement, à la formation du monde. De tous les peuples policés, les Chinois paraissent les seuls qui aient reçu le monde tel qu’il est, sans vouloir deviner comment il fut fait ; n’ayant point de révélation comme nous, ils se turent sur la création : ce furent les Phéniciens qui parlèrent les premiers du chaos. Voyez Sanchoniathon, cité par Eusèbe, évêque de Césarée, comme un auteur authentique. (Id.)

  3. L’auteur sacré place ici la formation de la lumière quatre jours avant la formation du soleil ; mais toute l’antiquité a cru que le soleil ne produit pas la lumière, qu’il ne sert qu’à la pousser, et qu’elle est répandue dans l’espace. Descartes même fut longtemps dans cette erreur. C’est Roemer le Danois qui, le premier, a démontré que la lumière émane du soleil, et en combien de minutes. Les critiques osent dire que si Dieu avait d’abord répandu la lumière dans les airs pour être poussée par le soleil, et pour éclairer le monde, elle ne pouvait être poussée, ni éclairer, ni être séparée des ténèbres, ni faire un jour du soir au matin, avant que le soleil existât : cette théorie est contraire, disent-ils, à toute physique, et à toute raison ; mais ils doivent songer que l’auteur sacré n’a pas prétendu faire un traité de philosophie et un cours de physique expérimentale. Il se conforma aux opinions de son temps *, et se proportionna en tout aux esprits grossiers des Juifs, pour lesquels il écrivait : sans quoi il n’aurait été entendu de personne. Il est vrai que la Genèse est encore difficile à entendre : aussi les Juifs en défendirent la lecture avant l’âge de vingt-cinq ans ; et cette