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Jamais jour, ni devant ni après, ne fut si long que celui-là… les cinq rois s’étant sauvés dans une caverne de la ville de Macéda… Josué les fit amener en sa présence, et dit aux principaux officiers de son armée : mettez le pied dessus le cou de ces rois. Et tandis qu’ils leur mettaient le pied sur la gorge, Josué leur dit : n’ayez point peur, confortez-vous, soyez robustes ; car c’est ainsi que Dieu traitera ceux qui combattront contre nous. Après cela Josué frappa ces rois et les tua, et les fit ensuite attacher à cinq potences[1].



    y en eut qui coururent si vite qu’il fallut huit à neuf heures pour les attraper et les tuer tous. Les profanes remarquent que Bacchus avait déjà fait arrêter le soleil et la lune, et que le soleil recula d’horreur à la vue du festin d’Atrée et de Thyeste. Surquoi Mr Boulanger ose dire " que si le miracle de Josué était vrai, c’est que le soleil se serait arrêté d’horreur en voyant un brigand si barbare qui égorgeait les femmes, les enfans et les rois, et les bœufs, et les moutons, et les ânes, et qui ne vouloit pas qu’un seul animal vivant, soit roi, soit brebis, échappât à son inconcevable cruauté. " les physiciens ont quelque peine à expliquer comment le soleil, qui ne marche pas, arrêta sa course, et comment cette journée, qui fut le double des autres journées, put s’accorder avec le mouvement des planetes et la régularité des éclipses. Le révérend pere Don Calmet dit, qu’il ne falloit que faire aller d’une vitesse égale, par-dessus et par-dessous la terre, la matiere céleste, qui la fritte par-là, en l’avançant d’un côté et le retardant de l’autre, le tournoiement de la terre sur son centre ne venant que de l’inégalité de ce frottement. Cette réponse ingénieuse, savante et nette, ne résout pas entiérement la question. Nous sera-t-il permis, à propos de ce grand miracle, de raconter ce qui arriva à un disciple de Galilée traduit devant l’inquisition pour avoir soutenu le mouvement de la terre autour du soleil ? On lui lisait sa sentence ; elle disait qu’il avait blasphêmé, attendu que Josué avait arrêté le soleil dans sa course. Eh, messeigneurs, leur dit-il, c’est aussi depuis ce temps-là que le soleil ne marche plus. À l’égard du livre des justes, qui est cité comme garant de la vérité de cette histoire, le Lord Bolingbroke, insiste beaucoup sur ce livre, qui dans les bibles protestantes est appellé le livre du droiturier. Cela démontre, dit-il, que c’est du livre du droiturier que l’histoire de Josué est prise. Mais ce même livre du droiturier est cité dans le second livre des chroniques des rois. Or comment le même livre peut-il avoir été écrit du temps des rois et avant Josué ? Cette difficulté est grande. Don Calmet y répond en disant, que ce livre est entiérement perdu.

  1. Le Clerc et quelques théologiens d’Hollande n’ont pas ici tout-à-fait le même emportement que Bolingbroke et Boulanger à propos de ces cinq rois, sur le cou desquels les princes de l’armée juive mettent le pied jusqu’à-ce que Josué vienne les tuer de sang-froid. Nous avouerons toujours, que tout cela n’est pas dans nos mœurs ; que nous fesons aujourd’hui la guerre plus généreusement. Mais aussi nous ne la fesons pas par ordre exprès du seigneur ; et il ne nous a pas commandé expressément, comme à Josué, de tuer tous les rois que sa providence voulait punir. On ne fait plus pendre tous les rois qui ont été pris à la guerre, parce qu’il n’y en a plus qui prévariquent contre le seigneur comme les rois du Canaa